Norme ISO IEC 15118 pour la recharge des véhicules électriques : quels avantages et quels enjeux ?

L’Avere-France a organisé un petit-déjeuner pour présenter aux acteurs de la filière de la mobilité électrique les évolutions apportées par la norme ISO 15118. Les adhérents de l’association étaient venus en nombre pour assister aux présentations de PSA Groupe, Hubject et de l’AFIREV.

La norme ISO IEC 15118 est le protocole de communication entre les bornes de recharge et les véhicules électriques qui devrait se généraliser ces prochaines années. Il offre une grande quantité de services en optimisant l’expérience client. ISO IEC 15118 permet en effet d’identifier l’automobile et de payer la charge rien qu’en branchant le connecteur au véhicule, sans badge RFID ou application smartphone, facilitant ainsi grandement le confort d’usage. Cette norme supporte également des fonctions avancées de charge / décharge intelligente pour les véhicules rechargeables, permettant par exemple au client de minimiser les coûts de sa charge.

ISO IEC 15118 s’applique aux véhicules électriques équipés de prise T2, T1 et/ou CCS. La Corée du Sud, qui a fait le choix du CCS, devrait prochainement la proposer. Par contre, les modèles chinois ou japonais avec prises GB/T ou CHAdeMO ne permettent pas l’implantation de cette norme.

Une norme de communication évolutive

La version zéro de la norme ISO 15118, apparue en 2011, permettait la recharge DC au standard CCS : il s’agissait alors d’une norme allemande, la DIN 70121. La première édition, publiée en 2014, apporte plusieurs services supplémentaires : le smartcharging, permettant de recharger au moindre coût ou au moindre C02, les messages pour la charge AC et le Plug&Charge, un moyen d’identification interne grâce à des certificats électroniques embarqués sur le véhicule.

Une troisième version devrait voir le jour en 2019. Elle permettra :

  • La réversibilité de l’énergie et le déploiement de la technologie vehicle-to-everything (vehicle-to-grid, vehicle-to-home…)
  • L’envoi de messages pour la charge inductive interopérable ou la connexion automatique de matériel type pantographe

Différents impacts sont à prendre en compte pour le déploiement de la norme :

  • Un moyen de communication est à intégrer dans la borne et dans le véhicule :
    • Un module courant porteur en ligne (CPL) rajouté sur la ligne pilote (la solution favorisée aujourd’hui), ou
    • Un module WiFi
  • Impacts software : des développements de soft spécifiques sont à prévoir afin de traiter les informations échangées dans le cadre d’une communication 15118
  • Cybersécurité : la 15118 permet d’accroitre le niveau de cybersécurité ; les mécanismes adéquats nécessitent l’installation de certificats électroniques spécifiques dans les calculateurs de la borne et du véhicule
  • Pour rendre possible les fonctions de Plug&Charge, les câbles de charge ne devront pas être bloqués par un clapet, étant donné que l’identification se fera en branchant le véhicule

Aujourd’hui, une partie des véhicules électriques récents est dotée de la norme 15118 V1, dont tous les véhicules et toutes les bornes CCS. La deuxième version est actuellement testée, dont des essais de Plug&Charge sur des bornes à très haute puissance. Récemment, les premiers tests de recharge intelligente via 15118 ont été effectués par des constructeurs Allemands.

Les premières applications commerciales du Plug&Charge sont en train d’émerger en Allemagne. La filière automobile française devrait être prête à partir de 2019/2020, et les premières bornes équipées apparaitront en 2019.

Faciliter la recharge

Pour Hubject, l’usage de la norme ISO 15118 sera généralisé lorsque le marché du véhicule électrique atteindra un niveau critique de masse d’ici à 2020.

Les intervenants ont rappelé les nombreux avantages de la norme ISO 15118 :

  • Un haut niveau de sécurité de communication entre le véhicule et la borne grâce aux certificats agissant comme des clés de sécurité
  • Un usage simplifié pour l’automobiliste : absence de badge d’identification, possibilité de réserver la borne
  • Des coûts opérationnels réduits par l’utilisation d’interfaces et de formats de données standardisés
  • Une possibilité de faire de la recharge intelligente
  • Une gestion facilitée de la recharge pour les flottes d’entreprises

La norme ISO 15118 définit le cadre de communication entre les différentes parties prenantes du processus de recharge impliquées dans la mise en œuvre du Plug&Charge :

  • L’opérateur de borne (charge point operator – CPO)
  • L’opérateur de mobilité (mobility operator – MO)
  • Le constructeur automobile (OEM)

L’échange sécurisé d’informations entre ces parties prenantes est réalisé à travers un système de certificats (blocs de données) qui agissent comme des clés de sécurité à chaque étape du processus de recharge. Afin de garantir leur intégrité, ceux-ci sont délivrés par une autorité certifiée qui possède un V2G Root CA. Hubject est l’une de ces autorités et a développé à ce titre le premier écosystème international adapté à la norme ISO 15118.

Une autorité de certification comme tiers de confiance

Afin de mettre en place le Plug&Charge et en fonction de son rôle, chaque partie prenante doit posséder un certificat par véhicule électrique (provisioning certificate pour les OEM), par point de charge (EVSE certificate pour les CPO), par usager de véhicule électrique (contract certificate pour les MO). Ces certificats uniques sont des blocs de données qui sont reconnus mutuellement grâce à leur lien avec un V2G Root CA. La technologie utilisée dans ce cadre est appelée public key infrastructure (PKI) et repose sur un cryptage asymétrique. Pour sécuriser la communication entre deux parties prenantes le protocole de cryptage « Transport Layer Security » (TLS) est utilisé et la confidentialité est assurée par le cryptage et décryptage de messages via ce réseau sécurisé.

A noter qu’il n’existe pas d’autorité officielle habilitée pour choisir les entreprises délivrant les certificats. Comme pour les certificats informatiques, celles-ci sont désignées par le marché qui leur accorde sa confiance. Des procédures d’audit existent pour contrôler la fiabilité des acteurs susceptibles d’effectuer ce type de service.

Par le V2G Root CA qu’elle opère, Hubject est une entité certifiée pour l’émission de certificats aux différentes parties prenantes de la recharge par Plug&Charge. L’entreprise travaille à différents pilotes avec les constructeurs automobiles (pilote réalisé avec succès pour le Plug&Charge les Smart Fortwo et Forfour électriques de Daimler), les opérateurs de bornes et de mobilité, dans le cadre des multiples services qu’elle propose :

  • Délivrance de certificats issus de son V2G Root CA
  • Délivrance de sous-certificats sécurisés
  • Mise en place de l’écosystème ISO 15118 (PKI opérative pour l’émission et signature de certificats)
  • Tests de conformité dans son laboratoire intercharge
  • Consulting (intégration des applications ISO 15118 aux lignes de produits, développement produit, plan directeur d’implémentation…)

Développer le smart charging

L’utilisation de la norme ISO 15118 permet de déployer des solutions de recharge intelligente à grande échelle.

Le smart charging permet la transparence vis-à-vis du prix de l’électricité et rend possible une adaptation de l’énergie délivrée en fonction de différents critères dimensionnants :

  • Les préférences de l’automobiliste
  • Les caractéristiques du réseau
  • Les problématiques de recharge bidirectionnelle rencontrées

Quel déploiement ?

Un enjeu majeur pour l’adoption de la norme ISO 15118 est la chaine de valeur qui en découle. Il faut pouvoir évaluer les coûts de l’application de celle-ci dans les véhicules, les bornes et l’ensemble de l’écosystème afin de garantir son appropriation par tous. S’assurer de l’interopérabilité et garantir que tout véhicule, avec ou sans implémentation 15118, pourra se recharger sur une borne 15118 permettra de garantir une plus grande utilisation des bornes et aux véhicules de génération précédente de pouvoir se recharger sur les bornes 15118.

Quelle place pour les acteurs français dans le processus de certification ?

Gilles Bernard, Président de l’AFIREV, lève également la question de l’organisation de la délivrance des certificats. Cette opération complexe doit-elle être gérée par un seul et unique acteur ? Quels sont les risques en cas de monopole ? Par exemple, un véhicule embarquant un certificat délivré par une autorité A pourrait-il ne pas être reconnu par une borne dotée d’un certificat délivré par un B ?

Au regard de la hausse continue du nombre de véhicules électriques en circulation et du nombre de bornes de recharge déployées, le volume de certificats à enregistrer et à distribuer risque d’être important, d’autant plus qu’ils doivent être déployés à tous les acteurs de la recharge. La création d’un maillage de plusieurs autorités de certification à l’échelle européenne serait une solution pour échanger les certificats.

En présence de plusieurs acteurs de la certification, le système serait plus robuste et offrirait une meilleure sécurité. En cas de problème de l’un d’entre eux, cela permettrait d’offrir une solution de repli. Mais comment pourrait-on passer de l’un à l’autre ? :

  • Implémenter plusieurs certificats d’opérateurs différents nécessiterait d’intégrer plus de calculateurs dans le véhicule et entrainerait une hausse des coûts du véhicule
  • Créer un maillage entre les opérateurs de certification afin qu’ils s’associent et se reconnaissent afin que les certificats créés par l’un soient reconnus par les autres (« certification croisée »)

Qui doit décider de l’architecture du modèle de certification ?

Trois possibilités sont envisageables pour répondre à cette question d’importance pour le déploiement de la norme ISO 15118 :

  • Les industriels s’en saisissent et en conviennent entre eux
  • La Commission Européenne et les Etats-Membres prennent la décision et régulent l’organisation
  • Aucune autorité n’est finalement habilitée à délivrer les certificats, le système va alors se baser sur la fiabilité de la structure qui veut les délivrer. Il restera alors à décider de l’autorité qui, dans l’écosystème, confirmera que les Root CA délivrant les certificats sont de confiance

Quels surcoûts faudra-t-il supporter ?

La norme ISO 15118 ne rentre pas en concurrence avec le paiement par carte bancaire car il s’agit d’un système plus sécurisé et qui apporte d’autres services que la monétique. Les constructeurs ne remettront pas en cause l’implémentation de la norme au regard des services qu’elle apporte, le software n’impactera pas le prix de revient du véhicule.

Les coûts additionnels porteront sur le développement ou l’adaptation des systèmes de supervision des opérateurs de recharge et de mobilité, la génération des certificats et les composants additionnels comme le module CPL/WiFi.

Les constructeurs de borne auront à supporter un coût de développement lié à l’utilisation de la norme. Les surcoûts dus au besoin supplémentaire de hardware seront très limités.

Valorisation vehicle-to-grid et ISO 15118 : qu’encadre la norme ?

La norme ISO 15118 met en place des messages et des services de communication entre la borne et le véhicule permettant de faciliter le déploiement de services V2G :

  • Envoi de messages intégrant les grid codes et donc les contraintes de qualité de l’énergie
  • La valorisation est hors champ de la 15118, il faut mettre en place des messages qui permettront au mieux de libérer la valeur, comme les contraintes de temps de réponse entre le véhicule et la borne implémentés

Enjeux et bénéfices ?

Finalement, quelle valeur veut-on donner à la norme ISO 15118 ? L’intégration des certificats va engranger des investissements dans l’avenir tout en apportant de nouvelles recettes :

  • Sécurité de la recharge : le coût sera compensé par les pertes de recettes limitées. Il faudra cependant l’intégrer dans le coût proposé au client final
  • Nouveaux services pour les énergéticiens autour du V2G : les services de gestion de la demande offriront de nouveaux revenus, cela risque de prendre du temps car il faut que l’ensemble des services se mette en ordre de marche
  • Facilité de service grâce au Plug&Charge

Face à toutes les questions suscitées par la mise en place de cette norme, il est nécessaire que la filière française se réunisse afin de convenir d’une stratégie commune d’implémentation de la 15118 dans le pays. Dans ce cadre, l’Avere-France met en place un groupe de travail dédié au sujet.

Pour vous y inscrire, merci de nous contacter à jocelyne.boullet@avere-france.org

Crédits : Avere-France