Le maintien des objectifs d’acquisition de bus électriques par les collectivités territoriales, un enjeu déterminant pour assurer la transition énergétique des transports publics

La crise sanitaire du Coronavirus a considérablement et durablement fragilisé le tissu industriel français. L’état d’urgence sanitaire et la mise en place des mesures de confinement ont confronté les entreprises françaises à un double choc d’offre et de demande. L’Avere-France appelle à un sursaut des collectivités territoriales et des opérateurs de transport pour que cette crise soit pour eux l’occasion d’engager la nécessaire transition énergétique et écologique du secteur du transport de personnes.

Alors que la fréquentation globale des bus et autocars est en hausse continue en France depuis plus de 15 ans et que la législation actuelle oblige à l’acquisition de modèles à faibles émissions, il convient de s’assurer que la France, les collectivités territoriales et les opérateurs de transport puissent continuer de s’engager dans le verdissement de leurs flottes.

Dans le domaine des transports, les uniques technologies considérées comme à faibles émissions sont aujourd’hui les véhicules électriques (qu’ils soient à batteries ou à hydrogène) et le gaz. Il convient de souligner que seuls les véhicules électriques permettent une réduction des émissions d’oxydes d’azote (NOx) de 100 % et des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 90 % (bilan du puit à la roue). Si le biogaz par méthanisation est également une piste intéressante, mais son potentiel est insuffisant pour répondre à l’enjeu de décarbonation et à la demande globale.

Une industrie électrique française d’excellence prête pour accompagner la transformation d’un secteur encore trop dépendant du diesel

Aujourd’hui, le bus électrique, qu’il soit à batterie ou à pile à combustible, offre la seule technologie zéro-émission à l’échappement qui améliore significativement la qualité de l’air en ville. Ces modèles participent de manière active à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des transports collectifs alors que 90 % des bus et autocars roulent encore au diesel.

Au cours des dernières années, la filière française du bus électrique s’est organisée pour répondre à la demande grandissante des collectivités territoriales et des opérateurs de transport. L’industrie tricolore, portée par des fleurons de renommée internationale tels que Alstom (bus Aptis), Heuliez, Iveco bus, Bolloré (Bluebus) du côté des fournisseurs de technologies, Forsee Power, SAFT pour la partie batteries, ou Symbio (co-entreprise réunissant Faurecia et Michelin) pour la partie hydrogène, a fortement investi dans ses outils de production et continue toujours de le faire. Ces entreprises se sont déployées sur l’ensemble de l’Hexagone au cœur de territoires en perte d’industries, engageant ainsi une reconversion verte et créant de nombreux emplois localement. Par exemple,la reprise d’une ancienne usine de pistons pour moteurs diesel par Forsee Power près de Poitiers est à l’origine de 300 emplois, tandis que l’installation de l’usine Alstom pour les bus électriques Aptis dans le Bas-Rhin a permis d’en créer plus d’une centaine.

Rappelons également que la loi de transition énergétique pour une croissance verte votée en 2015 exige que 50 % des bus et autocars acquis par les collectivités territoriales depuis le 1er janvier 2020 soient à faibles émissions. A partir du 1er janvier 2025, l’ensemble des bus acquis sera concerné. Cette obligation ambitieuse et exemplaire ne doit pourtant pas aujourd’hui être remise en question en raison d’une vision économique à court terme liée au surcoût à l’achat actuel des technologies batterie et pile à combustible.

Des collectivités territoriales prêtes à passer aux bus électriques à condition d’être accompagnées et soutenues financièrement

Lyon, Niort, Marseille, Brive-la-Gaillarde : au cours des dernières années, de nombreuses collectivités territoriales de toute taille ont testé des bus électriques afin de comprendre les différentes technologies disponibles sur le marché et anticiper leurs commandes. Car au-delà des obligations légales, les bus électriques à batteries sont déjà avantageux pour les collectivités avec un coût total de possession compétitif par rapport à un bus diesel grâce à de faibles coûts d’utilisation.

En effet, si le prix d’acquisition d’un bus électrique est aujourd’hui supérieur à celui d’un diesel en prenant en compte le véhicule, sa batterie et son infrastructure de recharge, les économies significatives réalisées sur l’entretien, l’assurance et l’énergie (- 60 % par rapport à un bus diesel selon une étude publiée en 2018 par le Commissariat général au développement durable) rendent les bus électriques compétitifs sur l’ensemble de leur durée de vie (15 ans pour 600 000 kilomètres parcourus).

De plus, des solutions de financements proposées par des sociétés d’investissement tel que NEoT Capital permettent de louer aussi bien la batterie, le véhicule que l’infrastructure de recharge. D’autres dispositifs existent, comme le programme des certificats d’économies d’énergie MoeBUS qui prend en charge jusqu’à 30 % des coûts d’acquisition du véhicule ou le plan d’investissement européen Juncker. A cela s’ajoute la réduction de 0,50 €/MWh sur la taxe sur la consommation finale d’électricité appliquée aux bus électriques et hybrides rechargeables. Ces solutions de financements pourraient également être transposées en partie aux bus à hydrogène

Les collectivités ne s’y sont pas trompées : alors que Nantes a inauguré ses bus articulés électriques à l’automne 2019, Orléans Métropole va acquérir 180 unités d’ici 2024 avec les premières livraisons attendues en début d’année 2021. De même, la RATP a engagé depuis 2018 l’électrification massive de sa flotte et exploite déjà plus de 150 autobus électriques. De son côté, l’UGAP, la centrale d’achat public, poursuit le déploiement de son offre 100 % électrique et après avoir intégré les bus batterie, a lancé un appel d’offres pour entrer à son catalogue les bus à hydrogène afin de faciliter la commande par les collectivités.

Le soutien aux choix engagés pour une mobilité plus propre et plus durable est essentiel à la réussite de la transition

Avec la situation économique actuelle, les collectivités territoriales et les opérateurs de transport doivent être soutenus pour assurer leur transition vers des bus et autocars électriques. L’acquisition de ces véhicules nécessite une vision à long terme, en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects liés à l’utilisation de ces véhicules. Dans le contexte sanitaire actuel et avec la hausse des dépenses de santé induites, rappelons que les externalités négatives évitées représentent près de 120 000 euros sur l’ensemble de la durée de vie d’un bus électrique à batteries.

L’Avere-France appelle à soutenir les décideurs publics locaux et les opérateurs de transport pour contribuer à maintenir leurs objectifs d’acquisition de bus électriques. Ceci est essentiel afin d’assurer la transition écologique, environnementale et énergétique des transports collectifs et également pour garantir l’activité d’une filière industrielle française ancrée dans les territoires.

Pour cela, les dispositifs de soutien doivent être maintenus dans la durée et leur accès doit être facilité. Cela concerne :

La stimulation de la demande :

  • Mettre en place des mécanismes de facilitation de la demande et des volumes de commandes / amélioration sur sa visibilité sur cette demande, pour permettre d’accélérer la mise en place d’offres compétitives. Les appels d’offre et cahiers des charges doivent imposer des réponses avec des énergies alternatives, notamment électrique, et des dotations adaptées en conséquence en rééquilibrant la question prix et qualité de la réponse. Aujourd’hui, ceux-ci ne permettent pas d’envisager de réels volumes permettant un déploiement industriel massif pour stimuler le marché.
  • En parallèle, étudier la possibilité de renforcer la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte afin d’imposer un taux de véhicules zéro-émission plus important dans le renouvellement des flottes de bus.
  • Permettre d’accorder dans les processus d’achat une préférence claire aux entreprises implantées en Europe et qui créent de la valeur et des emplois sur le territoire national (à titre illustratif, l’Allemagne soutien très fortement ses industriels, et prend en charge 80 % du surcoût des bus électriques par rapport au diesel).

Les dispositifs de financement et de subvention

A l’instar du programme MoeBus, les financements doivent privilégier la consolidation du tissu industriel local. L’offre est aujourd’hui complète mais reste encore trop chère en comparaison avec les véhicules thermiques. L’Avere-France soutient :

  • La nécessité de créer un fonds dédié au financement des bus électriques et stations de recharge dans les ateliers sur une période de 10 à 15 ans pour les collectivités sur les années 2020 à 2022.
  • L’ouverture du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) au loyer financier des bus électriques et hybrides rechargeables. En effet, il convient de faciliter le recours à la location longue durée pour les collectivités territoriales alors que celle-ci n’est pas éligible au FCTVA, puisque son périmètre est limité aux dépenses conduisant les collectivités à devenir propriétaires de l’équipement.
  • La possibilité pour les ateliers de charge de participer à un mécanisme de marché visant à valoriser le carburant électrique pour sa part renouvelable dans le cadre de la directive européenne sur les énergies renouvelables.
  • Mettre en place des subventions directement accessibles aux projets de déploiement, à destination des clients finaux, pour concrétiser la dynamique enclenchée (ces subventions pourront être dégressives fonction de la massification des bus électriques et de l’atteinte d’une baisse des coûts suffisante).

La facilité d’accès à l’information

L’Avere-France estime nécessaire la mise en place d’un guichet unique de demande d’aides pour simplifier les démarches entreprises et anticiper le reste à charge en fonction des aides existantes.

Crédits illustration : RATP