L’Europe dévoile son plan d’action stratégique pour les batteries

S’appuyant sur l’Alliance pour les batteries dans l’UE annoncée en octobre dernier, ce nouveau plan stratégique liste une série d’objectifs visant à permettre à l’Europe de développer et de produire en masse différents éléments liées aux batteries.

Pour l’Europe, ce plan vise à contrer le quasi-monopole des acteurs asiatiques dans le développement des cellules en créant une filière industrielle à l’échelle européenne. Il est intégré au troisième volet du programme « Europe on the Move » visant à moderniser les systèmes de transport en Europe.

« La mobilité est en train de franchir une nouvelle frontière technologique. Avec cette dernière série de propositions dans le cadre de l’union de l’énergie, nous aidons notre industrie à rester à la pointe. En produisant des solutions technologiques clés, dont des batteries durables, à une échelle suffisante, et en déployant des infrastructures clés, nous nous rapprocherons également d’un triple objectif : zéro émission, zéro embouteillage, zéro accident » souligne Maros Sefcovic, vice-président responsable de l’union de l’énergie, qui a été l’un des principaux initiateurs du projet.

En pratique, le plan stratégique proposé par l’Europe se résume à six principales mesures s’adressant à l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière batteries.

Sécuriser l’approvisionnement en matières premières

Premier point : sécuriser l’approvisionnement en matières premières essentielles au développement des différents éléments.

L’Europe prévoit ainsi de lister les métaux critiques et d’identifier les sources d’approvisionnement au sein même de l’Union. Si les quantités sont moins conséquentes que dans d’autres pays situés en dehors de l’Europe, le vieux continent dispose de ressources en cobalt (France, Finlande, France et Slovaquie) en lithium (Autriche, République Tchèque, Finlande, Portugal…), en graphite (Autriche, République Tchèque, Allemagne, Slovaquie et en Suède) et en nickel. Des ressources qui, exploitées et associées à un système de recyclage efficace, pourraient assurer une certaine indépendance à l’Europe.

Soutenir la production

Il s’agit de poursuivre la logique de partenariats déjà enclenchée pour faciliter la mise en place de projets d’envergure et d’engager un dialogue régulier avec les Etats-membres concernés pour continuer à accompagner les projets.

En termes de financements, l’Europe compte s’appuyer sur ses différents programmes pour faire émerger les projets. Avec la Banque Européenne d’Investissement, la Commission souhaite lancer un portail consacré au financement des batteries.

Certains projets de méga-usines sont déjà accompagnés par l’Europe. En février 2018, la Banque Européenne d’Investissement accordait un prêt de 52,5 millions d’euros au suédois Northvolt pour la création d’un premier site « test » de production de cellules et de batteries en Suède.

Accompagner la recherche et l’innovation

Au sein d’une filière en constante mutation, l’Europe compte accompagner les travaux de R&D en s’appuyant sur des programmes existants, tels Horizon 2020, pour financer des recherches portant sur toute la chaîne de valeur : optimisation des cellules, traitement des matières premières, recyclage, processus de production… Dans ce sens, de nouveaux appels à projets seront lancés en 2018 et 2019 avec une enveloppe de 110 millions d’euros qui viendra s’ajouter aux plus de 250 millions d’euros déjà alloués aux batteries dans le cadre du programme Horizon 2020.

Pour coordonner les efforts, la Commission compte également soutenir la création d’une nouvelle plateforme européenne destinée à favoriser le partage de connaissances et à définir des priorités sur lesquelles avancer. Une plateforme qui sera pilotée par les industriels, les organismes de recherche et les Etats-membres.

Monter en compétences avec une main d’œuvre qualifiée

« La main-d’œuvre en Europe est hautement qualifiée mais il manque des compétences spécialisées liées à la batterie, notamment en ce qui concerne la conception et la fabrication de cellules » note le plan de la Commission.

Sur ce point, l’objectif est de lister les compétences nécessaires sur les des postes jugés stratégiques et d’identifier les moyens de combler les manques. Il s’agit notamment de travailler avec le réseau éducatif pour faire valoir cette filière d’avenir et d’encourager la formation des professionnels en utilisant les financements du fonds social européen.

Garantir une production sûre et durable

Assurer une production avec la plus faible empreinte environnementale possible… tel est l’objectif de l’Europe qui souhaite garantir à sa filière batteries une production à la fois sûre et durable.

Pour l’Europe, il s’agit d’évaluer les objectifs actuels et à venir en matière de recyclage et de lancer une étude visant à identifier les principaux facteurs déterminants d’une production « verte ». Dans son plan, la Commission évoque notamment la création d’un cycle de vie spécifique dédié aux batteries pour mieux évaluer l’empreinte carbone, la création d’un cahier des charges lié à la conception et à la fabrication et le lancement d’une analyse liée aux façons de promouvoir la seconde vie des batteries et la charge bidirectionnelle.

Assurer un cadre réglementaire adapté

Dernier point évoqué par la Commission : la réglementation. Il s’agit de lever toutes les barrières au sein de l’UE tout en garantissant une protection de la filière vis-à-vis des importations étrangères.

Dans son plan, la Commission précise qu’il s’agit notamment de surveiller toutes pratiques déloyales de pays tiers qui pourraient pénaliser la production européenne. « Si les conditions légales sont remplies, la Commission peut ouvrir des enquêtes antidumping et / ou antisubventions en vue de déterminer si l’adoption de mesures de défense commerciale serait justifiée » prévient la Commission qui a déjà engagé de telles mesures dans d’autres domaines, comme celui du vélo électrique vis-à-vis des industriels chinois.

En interne, l’Europe compte également s’assurer qu’il n’y ait pas d’obstacles juridiques ou réglementaires pour la filière, que ce soit sur des aspects techniques ou financiers. Au mois de mars, la Commission Européenne avait déjà signé un accord avec plusieurs industriels européens pour d’organiser le recyclage et la seconde vie des batteries des véhicules électriques (voir notre article).

Un nouvel élan indispensable pour Blue Solutions

Pour Blue Solutions, filiale du groupe Bolloré, ce plan d’actions stratégiques sur les batteries permettra de « donner un nouvel élan indispensable à la filière européenne ».

« Il s’agit d’un message très encourageant pour le Groupe Bolloré qui a investi près de 3 milliards d’euros, sans relâche, à la fois dans le développement, la production et les applications de batteries françaises « tout solide », sans cobalt, sans solvant, ni terres rares », précise Cyrille Bolloré, Directeur général délégué du groupe.

Une nouvelle qui devrait également réjouir le fabricant de batteries français Saft qui, associé à Solvay, Manz et Siemens, a annoncé début mars une alliance dans le domaine des batteries. Objectif : lancer un premier site industriel doté d’une capacité de production de 1 GWh sur le sol européen (

voir notre article

).

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