Droit social

Il s’agit d’analyser le rôle que peuvent avoir les représentants du personnel dans un projet d’électrification de flotte ainsi que les implications de ce projet en interne : modification de la politique automobile d’entreprise, formation des salariés, adaptation du document unique d’évaluation des risques etc.

 

Implication du Comité Social et Economique (CSE) dans le projet d’électrification des flottes

Il n’existe pas, à ce jour, de position jurisprudentielle sur l’implication que doit avoir le CSE dans un projet d’électrification de flotte de véhicules de fonction ou de service. 

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la nouveauté technologique que présente un projet d’électrification d’une flotte d’entreprise nécessite, à notre avis, a minima l’information du CSE. 

En outre, l’électrification des flottes s’accompagne généralement d’un relevé (par badge par exemple) des consommations professionnelles et personnelles du salarié sur les bornes installées dans les locaux de l’entreprise et/ou au domicile du salarié. Ce type de traitement s’apparente à notre sens, à un traitement automatisé de gestion du personnel, pour lequel le CSE doit obligatoirement être informé (cf. art. L.2312-38 du Code du Travail). 

Selon l’importance et la nature du projet (notamment si les véhicules électriques sont équipés de boîtiers télématiques), certaines entreprises pourront éventuellement souhaiter consulter leur CSE avant la mise en œuvre du projet. 

Pour rappel, lorsque l’employeur décide de consulter son CSE, la consultation doit impérativement précéder toute prise de décision par l’employeur (cf. art. L.2312-14 du Code du Travail). 

Adoption/adaptation de la politique automobile de l’entreprise 

Qu’est-ce que la politique automobile interne de l’entreprise ?

La politique automobile interne de l’entreprise regroupe généralement : 

  • Le type de véhicules auxquels les salariés et dirigeants peuvent avoir accès ; 
  • Les règles d’utilisation des véhicules (utilisation les soirs et week-ends, carte carburant, entretien, etc.). 

L’évolution des flottes d’entreprise vers l’électrique va probablement impliquer la nécessité : 

  • De faire évoluer les anciennes règles pour encadrer l’attribution et l’utilisation des véhicules de fonction électriques ; 
  • D’adopter des règles strictes encadrant l’attribution et l’utilisation des bornes électriques de recharge par les salariés, notamment sur le site de l’entreprise et au domicile des collaborateurs. 

Quelle procédure d’adoption ou d’adaptation de la politique automobile interne de l’entreprise ?

La politique automobile de l’entreprise peut contenir des normes contraignantes à l’égard des collaborateurs (règles d’utilisation, conditions d’utilisation des badges sur les bornes de recharges, règles à respecter en cas d’incidents ou accidents etc.).  

Si l’entreprise souhaite que ces normes soient opposables à ses collaborateurs sous peine d’encourir des sanctions disciplinaires, notre recommandation est qu’il pourrait être nécessaire de respecter les procédures propres à l’adoption du règlement intérieur (cf. CA Toulouse 22 mars 2019 n°17/04823 dans lequel la car policy avait, en l’espèce, fait l’objet d’une procédure d’information-consultation). 

En effet, le Code du travail prévoit que tout document comportant des règles générales et permanentes relatives à la discipline sont considérées comme des adjonctions au règlement intérieur (cf. art. L. 1321-5 et L. 1321-1 du Code du travail). 

Rappel des règles pour l’adoption du règlement intérieur

Les règles d’adoption du règlement intérieur sont les suivantes : 

  • Dans une entreprise disposant d’un CSE, l’adoption du règlement intérieur exige : 
  • L’information-consultation du CSE ; 
  • La communication du règlement intérieur à l’inspection du travail ; 
  • L’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité prévues par le Code du travail (art. L. 1321-4 du Code du travail) ;
  • Dans une entreprise ne disposant pas d’un CSE, l’adoption du règlement intérieur exige : 
  • La communication du règlement intérieur à l’inspection du travail ; 
  • L’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité prévues par le Code du travail (cf. art. L.1321-4 du Code du Travail). 

Le défaut d’accomplissement de ces diligences rend le règlement intérieur inopposable aux salariés (cf. Cass. Soc. 10 nov. 2021, n°20-12.327). 

Formation des salariés aux nouveaux véhicules électriques ou hybrides rechargeables de fonction mis à disposition

Opportunité d’organiser une formation des salariés pour les entreprises disposant d’une flotte moins importante

Certains employeurs, pourront sur ce fondement, estimer opportun d’organiser une formation et une sensibilisation des collaborateurs qui se verraient attribuer un véhicule électrique ou hybride rechargeable de service ou fonction à la place d’un véhicule thermique. 

Le Code du travail demande à l’employeur d’organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice du travailleurs qu’il embauche ainsi qu’au bénéfice des travailleurs qui changent de poste de travail ou de technique (cf. art. L. 4141-2 du Code du travail). 

  • Nécessité de régulariser un avenant au contrat de travail des salariés

Certains salariés peuvent bénéficier d’un contrat de travail avec une clause spécifique dans laquelle il est prévu que le salarié bénéficie d’un véhicule thermique de service ou de fonction. 

L’attribution d’un véhicule électrique à ces derniers devra opportunément donner lieu à un avenant à leur contrat de travail. 

  • Faire évoluer le Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER) 

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé et sécurité physique et mentale des salariés (cf. art. L. 4141-1 du Code du travail). 

En conséquence, il doit respecter les principes généraux de prévention à l’égard de ses salariés. A ce titre, il doit notamment éviter les risques et tenir compte de l’état d’évolution de la technique (cf. art. L. 4121-2 du Code du travail). 

En pratique, pour chaque unité de travail, l’employeur doit transcrire et mettre à jour dans un document l’inventaire des risques identifiés pour la santé et la sécurité des travailleurs (cf. art. R. 4121-1 du Code du travail). C’est le document unique d’évaluation des risques (DUER). 

La mise à jour de document unique doit être réalisé : 

  • Au moins chaque année  ; 
  • Lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (cf. art. R. 4121-2 du Code du travail). 

Selon l’importance et la nature du projet, notamment en cas de travaux importants d’infrastructure dans les locaux de l’entreprise pour la mise en place de bornes de recharge, certaines entreprises pourront estimer nécessaire de faire immédiatement évoluer leur DUER. 

D’autres pourront préférer attendre la mise à jour annuelle de celui-ci. 

Il est rappelé que le défaut de rédaction et de mise à jour du DUER est puni d’une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe. 

Pour plus d’informations sur les enjeux de droit social, consultez notre FAQ juridique et notre guide d’accompagnement