Recharge en entreprise
Il s’agit ici de s’intéresser aux conditions dans lesquelles les bornes de recharge peuvent être installées dans les locaux professionnels de l’entreprise et chez ses salariés, lorsque l’entreprise décide de prendre en charge cette installation (en totalité ou en partie).
Déploiement des bornes sur site et au domicile des salariés
Le cadre législatif applicable à l’installation des bornes de recharges dans des locaux professionnels diffère selon que l’entreprise qui entend électrifier sa flotte de véhicules est propriétaire ou locataire de ses locaux professionnels.
Déploiement des bornes sur site
L’entreprise est propriétaire
Lorsque l’entreprise est propriétaire des places de parking qu’elle exploite, elle est libre de procéder aux travaux qu’elle entend, sauf si les places de parking sont situées au sein d’un bâtiment soumis au statut de la copropriété.
Dans ce cas, deux cas de figure :
- Soit la copropriété envisage une installation collective qui devra être approuvée par l’assemblée générale des copropriétaires, et qui sera financée par l’ensemble de la copropriété ou par un tiers (articles L.353-12 et L.353-13 du Code de l’Energie) ;
- Soit aucune installation collective n’est envisagée et l’entreprise pourrait alors faire valoir son droit à la prise prévu par les articles L.113-16 et suivants du Code de la construction et de l’habitation consistant en une simple information du syndicat des copropriétaires de ce qu’elle va équiper ses places de parking en bornes de recharge, à ses frais.
Attention toutefois, si le nombre de bornes de recharge à installer nécessite d’intervenir sur l’installation électrique de la copropriété pour la redimensionner. Dans ce cas, l’entreprise copropriétaire ne pourra pas faire l’impasse d’un vote à la majorité absolue des copropriétaires, comme le prévoit l’article 25.j.) de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, avant de réaliser les travaux, à ses frais.
L’entreprise est locataire
Lorsque l’entreprise est locataire et qu’elle envisage d’équiper ses places de parking en bornes de recharge, elle devra recueillir l’accord préalable de son bailleur, en cas de bailleur unique.
Si les locaux pris à bail font partie d’une copropriété, la question se pose de savoir si le preneur à bail professionnel serait fondé à se prévaloir du droit à la prise prévu par les articles L.113-16 et suivants du Code de la construction et de l’habitation à l’égard de son bailleur (voir focus ci-après).
Droit à la prise « entreprise »
Le dispositif du droit à la prise trouve aujourd’hui à s’appliquer principalement dans des immeubles d’habitation soumis au statut de la copropriété. Cela étant, ce dispositif peut s’appliquer plus généralement lorsque le locataire et/ou l’occupant entend équiper en bornes de recharge les places de parking situées :
- Dans un bâtiment qui est défini par l’article L111-1 du Code de la construction et de l’habitation comme « Un bien immeuble couvert et destiné à accueillir une occupation, une activité ou tout autre usage humain » ;
- Que ce bâtiment soit soumis ou non au statut de la copropriété.
Autrement dit, le droit à la prise n’a pas vocation à être invoqué uniquement par des occupants de locaux d’habitation et devrait pouvoir être mis en œuvre par des preneurs à bail de locaux professionnels qu’ils soient liés par un bail commercial, un bail professionnel, une convention d’occupation précaire, etc.
Il faut toutefois s’assurer que les places de parking sur lesquelles les bornes de recharge seront installées soient bien des « places de stationnement d’accès sécurisé à usage privatif », comme le prévoient les dispositions du code de la construction et de l’habitation.
Si tel est le cas, le preneur à bail professionnel devrait pouvoir faire valoir son droit à la prise pour installer des bornes de recharge sur ses places de parking privatives. Cela étant, les travaux réalisés dans le cadre d’un droit à la prise se feront aux frais du preneur à bail.
L’intérêt de recourir au droit à la prise a donc ses limites.
Autre réserve importante quant au droit à la prise : si les travaux nécessitent de revoir le dimensionnement de l’installation électrique, le preneur à bail professionnel ne pourra faire l’impasse d’un vote en assemblée générale des copropriétaires qui devra approuver une résolution afférente à la modification de l’installation électrique de la copropriété.
Le plus opportun paraît de négocier au préalable avec le bailleur cette question de l’installation des bornes de recharge et de la prise en charge des coûts des travaux à la lumière des termes du contrat de bail et des obligations mises à la charge de chacune des parties lors de sa conclusion (grosses réparations de l’article 606 du Code Civil, mise aux normes, etc.)
Et pour les entreprises qui envisagent de déménager dans des locaux dont les places de parking ne seraient pas encore équipées en bornes de recharge, il est fortement recommandé de mettre dans la négociation du bail à signer la question des travaux à prévoir pour de telles installations et de la prise en charge de leur coût.
Enfin, et quelle que soit la situation (propriétaire ou locataire), l’entreprise devra veiller à ce que l’installation respecte les normes réglementaires, notamment les normes incendie.
Déploiement des bornes au domicile des salariés
Si l’entreprise opte pour l’installation de bornes de recharge au domicile de ses salariés, utilisateurs de véhicules de service et/ou bénéficiaires de véhicules de fonction, plusieurs questions se posent :
La propriété des bornes de recharge
L’entreprise peut décider de prendre en charge l’installation des bornes de recharge au domicile de ses salariés, soit en faisant l’acquisition des bornes soit en concluant un contrat de location avec un opérateur de recharge.
A l’inverse, l’entreprise peut décider de laisser ses salariés faire l’acquisition de leur borne à installer à leur domicile s’ils ne sont pas déjà équipés, et de prendre en charge tout ou partie des frais résultant de cette installation.
Dans les deux cas, la question de la prise en charge des coûts en résultant au titre de l’avantage en nature se posera (cf. Aides et Incitations – AEN).
Les autorisations préalables à obtenir pour l’installation des bornes de recharge
Quel que soit le schéma retenu pour la propriété des bornes, l’installation des bornes au domicile des salariés nécessitera de réaliser des démarches préalables dans les cas suivants :
- Si le salarié loue une maison individuelle, il devra obtenir l’autorisation préalable de son bailleur,
- S’il est propriétaire ou locataire de sa place de parking située au sein d’une copropriété qui n’a pas encore d’installation collective de recharge, le salarié devra faire valoir son droit à la prise avant de faire installer sa borne de recharge.
Zoom sur le droit à la prise
Le Droit à la prise est codifié aux articles L.113-16 et suivants et R.113-6 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation.
Il organise une simple information à destination du propriétaire et/ou du Syndicat des copropriétaires du projet d’installation d’une borne de recharge sur sa place de parking en copropriété.
Dans le cadre d’un droit à la prise, les frais d’installation de la borne sont à la charge du locataire ou copropriétaire qui entend installer sa borne.
Plusieurs étapes doivent être respectées pour pouvoir se prévaloir de son droit à la prise :
- Notifier par lettre recommandée avec accusé de réception son projet de travaux à son propriétaire – si vous êtes locataire, ou directement au Syndicat des copropriétaires, lorsque vous êtes copropriétaire. Il est impératif de joindre à son courrier le descriptif détaillé des travaux, le schéma de raccordement ainsi que le plan technique d’intervention ;
- Le Syndicat des copropriétaires a alors 3 mois pour s’opposer à l’installation de la borne en saisissant le Tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble et uniquement pour un motif légitime. Tel sera le cas si une installation collective a été votée dans la copropriété et que les travaux seront terminés dans un délai de 6 mois suivant la saisine du Tribunal judiciaire.
A défaut d’opposition, les travaux pourront être réalisés par le salarié, sous réserve qu’une convention soit signée entre le Syndicat des copropriétaires et le prestataire choisi pour l’installation de la borne de recharge.
Coût d’installation d’une borne
Plus une borne est capable de délivrer de la puissance, plus son coût est élevé.
La solution la moins onéreuse est l’utilisation d’une prise domestique. Dans ce cas, la puissance est celle du réseau domestique c’est-à-dire, 2,3 kW. Cette solution est plutôt à réserver pour une flotte de scooters ou de quadricycles.
Il est conseillé a minima d’installer une prise renforcée pour la recharge domestique. Cette prise est équipée d’un disjoncteur différentiel. Elle offre une meilleure sécurité que la prise domestique et permet aussi d’atteindre plus de puissance. Son prix varie entre 150 € et 200 €, auquel il faudra ajouter les frais d’installation par un professionnel agréé(et éventuellement le cordon adapté dans le véhicule). Cette solution est peu adaptée au pilotage de la recharge, elle est donc à réserver pour des petites flottes.
Pour plus de puissance, il est possible d’installer une borne domestique, aussi appelé « wallbox ». La borne doit impérativement être installé par un professionnel qualifié IRVE. Incluant de la micro-électronique pour réguler la puissance, de la connectivité et des éléments de sécurité, le prix de la borne, avec installation, varie entre 1 500€ et 2 000€. Les prix peuvent évoluer en fonction du choix de la puissance électrique et des travaux à faire pour connecter la wallbox au tableau électrique le plus proche. En fonction du choix de bornes, la puissance délivrée peut être de 7,4kW, 11kW ou 22kW.
Enfin, les bornes rapides et ultra-rapides sont capables de délivrer du courant continu directement à la batterie et une puissance entre 50 kW et 350 kW. Elles embarquent un convertisseur AC-DC et beaucoup plus d’équipement qu’une borne AC mais nécessitent aussi un raccordement au réseau électrique adaptée aux hautes puissances et implique des réaménagements du raccordement électrique. En moyenne, leur prix s’élève autour de 50 000€.
Usages des bornes et le temps de recharge
Sur le parking professionnel, les chargeurs actuels sont principalement des chargeurs muraux à courant alternatif. Leur puissance est suffisante dans plus de 80% des cas d’usages au quotidien, le véhicule de fonction ou personnel est en recharge la journée sur le lieu de travail pendant que l’employé est au bureau. Ces bornes peuvent également être utilisées afin de recharger les véhicules de service le soir. En courant alternatif, la charge est lente, de l’ordre de plusieurs heures pour une charge complète, elle dépend de la puissance disponible et de la capacité de la batterie.
Les bornes DC sont les bornes les plus adaptées lorsque les véhicules sont en itinérance ou ont besoin d’être rechargés en moins d’une heure. Ces types de chargeurs sont encore peu présents sur les sites d’entreprises. Mais elles peuvent avoir une utilité importante pour des entreprises dont les véhicules tournent beaucoup et ont besoin d’être chargé rapidement. Par exemple, une entreprise de location de voiture verra un intérêt fort à mettre à disposition des véhicules électriques presque intégralement chargé. En courant continu, la charge est rapide voire ultra-rapide, (de l’ordre de l’heure ou de la quinzaine de minutes pour les bornes les plus performantes). En revanche une charge complète est déconseillée car elle vient solliciter les limites de la batterie et le chargement prend de plus en plus de temps vers la fin. Les constructeurs préconisent un chargement à 80% afin de rester sur la plage optimale de la batterie.
L’utilité de ce mode de recharge dépend du véhicule. Le véhicule tolère une puissance maximale en charge AC et DC. Dans ce cas-là, le véhicule envoie l’information à la borne de la quantité de puissance maximale tolérée par sa batterie. Le temps de recharge sera généralement bridé par cette limitation dans le cas de charge DC.

Perspectives concernant la recharge
Les véhicules électriques et les bornes de recharge évolueront vers une connectivité bien plus avancée que les véhicules thermiques actuels, ouvrant de nouvelles perspectives de développement. Le développement du « Plug and Charge » Contribue à simplifier l’acte de recharge, en évitant à l’utilisateur de s’authentifier manuellement. Grâce à la communication avancée permise par la norme ISO 15118, applicable depuis 2024, le véhicule est automatiquement identifié lors du branchement à la borne.,
Le « Vehicle to Grid » (V2G) permet d’utiliser la batterie du véhicule pour alimenter le réseau électrique.Le déploiement se fait progressivement, d’abord avec le V2B (Vehicle to Building) pour alimenter directement les bâtiments, puis s’étend au réseau électrique général.
Ces évolutions sont rendues possibles par la standardisation des équipements, notamment la norme ISO 15118 qui encadre la communication entre borne et véhicule électrique. Cette norme permet une communication plus technique pour optimiser l’arbitrage de puissance allouée à la charge, tout en renforçant les fonctionnalités de sécurité et en automatisant l’identification des véhicules.
Défis attendus
L’électrification d’une flotte d’entreprise présente plusieurs défis majeurs. D’ordre réglementaire, avec des contraintes spécifiques au marché français, notamment l’exigence d’obturateurs sur les prises T2 reliées à un bâtiment selon le décret IRVE, obligeant à proscrire les bornes avec câbles attachés sans protection adéquate.
Économiquement, la complexité des dispositifs d’aide constitue un frein important. Les montants variables des primes véhicules et des aides à l’infrastructure (Advenir, TVA réduite, crédit d’impôt) changent rapidement, avec des informations dispersées entre les échelons national et local. L’adaptation des installations électriques pour amener la puissance suffisante sur site représente souvent un coût majeur, nécessitant des solutions de gestion de la recharge pour éviter des investissements trop lourds.
Technologiquement, avec des produits qui évoluent vite et qui sont toujours de plus en plus performant.
Enfin, socialement, l’adoption de nouveaux usages de mobilité nécessite un accompagnement au changement des utilisateurs, aspect crucial traité dans le chapitre dédié à la conduite du changement.