Les véhicules électriques plus vertueux et économiques que les hybrides rechargeables

L’IFPEN et l’Ademe ont publié début juillet leur rapport intitulé « Bilan transversal de l’impact de l’électrification par segment », afin d’évaluer la consommation énergétique, la viabilité économique et les impacts environnementaux des différentes motorisations à horizon 2030. Que ce soit pour les voitures particulières ou les bus, les résultats confirment que la motorisation électrique offre des gains non-négligeables, à condition d’utiliser le bon véhicule pour le bon usage.

En France, les transports représentent un tiers des émissions de gaz à effet de serre et contribuent significativement à la détérioration de la qualité de l’air : le secteur doit donc engager des efforts conséquents afin de réduire son impact sur l’environnement. Les constructeurs automobiles se sont d’ailleurs saisis de ces enjeux et proposent aujourd’hui des motorisations de plus en plus efficaces.

Dans leur étude, l’Ademe et l’IFPEN indiquent qu’en fonction des segments considérés et des usages, les modèles électriques et hybrides rechargeables sont pertinents tout en mettant en garde quant à l’augmentation de la taille des batteries liée à la recherche d’une plus grande autonomie. Le rapport met également en avant les avancées technologiques déjà effectuées permettant une baisse des consommations énergétiques, notamment grâce à l’hybridation et l’électrification des véhicules, ainsi que l’amélioration des rendements des motorisations.

Néanmoins, les hypothèses prises, parfois très questionnables, peuvent conduire à une interprétation erronée des bénéfices du véhicule électrique. De ce fait, les résultats mis en avant sont en total décalage avec les résultats observés par d’autres études même si le corps du rapport montre que les modèles électriques tirent leur épingle du jeu sur de nombreux segments.

Des hypothèses éloignées de la réalité ?

Plusieurs hypothèses ont été prises par l’Ademe et l’IFPEN pour modéliser les différents impacts à horizon 2030, en se basant sur la typologie des véhicules.

Les deux organismes ont tout d’abord supposé des améliorations significatives des performances des moteurs et des batteries. Ainsi, un doublement de la densité d’énergie des cellules de batterie a été retenu, passant de 150 à 300 Wh/kg. Une baisse des coûts de production a également été notée, permettant d’ici à 2030 aux véhicules électriques de devenir rentables économiquement, indépendamment des aides à l’acquisition.

Pour mesurer les bénéfices sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule, une durée de vie de dix ans a été fixée pour les modèles légers et 12 pour les autres segments, en prenant en compte un kilométrage allant de 12 000 à 62 500 kilomètres annuels en fonction des véhicules.

Les deux points les plus problématiques sont liés aux hypothèses retenues pour comparer les motorisations :

  • Les résultats comparatifs sont basés sur un trajet quotidien de 50 kilomètres en excluant tout parcours exceptionnel. L’impact environnemental des véhicules électriques et hybrides rechargeables est donc basé sur un besoin d’autonomie de 50 kilomètres, ce qui revient donc à :
    • négliger la présence d’un moteur thermique dans les modèles hybrides rechargeables
    • comparer un véhicule offrant 50 kilomètres d’autonomie avec un autre offrant 250 kilomètres d’autonomie en écartant totalement l’usage d’énergies fossiles qui interviendraient au-delà d’un trajet de 50 kilomètres.
  • L’analyse du cycle de vie ne semble pas prendre en compte la seconde vie des batteries, ni le différentiel de consommation d’énergie entre un véhicule hybride rechargeable et modèle 100 % électrique au-delà d’un trajet de 50 kilomètres.

Dans le même temps, l’analyse de l’International Council on Clean Transportation indique que sur l’ensemble de sa durée de vie, le véhicule électrique est 30 % plus propre que son équivalent thermique le plus efficace. Le rapport précise également qu’un véhicule hybride rechargeable, sous condition d’utiliser son moteur électrique sur la majorité des trajets, a des émissions identiques à une voiture électrique sur son cycle de vie.

Concernant les bus électriques, quelques points interpellent : alors que les coûts de maintenance des modèles électriques sont moins élevés que pour leurs équivalents thermiques, l’étude indique précisément le contraire. De plus, elle inclut l’installation d’une borne de recharge dans le coût total de possession, soit un surcoût de 50 000 euros (divisé par deux en 2030) par bus électrique. Or, l’utilisation mutualisée du point de charge par plusieurs bus, généralement d’une puissance de 22 kW et donc d’un coût moindre, permet de limiter les investissements. La difficulté pour l’adoption d’un modèle électrique réside principalement dans les travaux à engager pour électrifier les dépôts et non dans leurs coûts. En effet, tout comme les dépôts de diesel ont été amortis dans le temps, les stations de recharge le seront également.

Le véhicule particulier sera électrique en 2030

En raison de la taille réduite des véhicules du segment, les modèles urbains n’ont été étudiés qu’autour de quatre architectures de groupe motopropulseur : une motorisation essence, une version Mild Hybrid 48V (hybridation de type parallèle avec tension limitée à 48V), et deux versions électriques, l’une dotée d’un prolongateur d’autonomie et l’autre non.

Selon les mesures observées, le véhicule électrique s’avère être une solution économique en 2030. Bien que les modèles thermiques MHEV voient leur consommation de carburant baisser grâce aux progrès sur la masse des organes électriques et l’aérodynamisme du véhicule, les gains devraient être plus conséquents sur des véhicules électrifiés, passant de 15 à 10 kWh/100 km.

Pour les auteurs du rapport, les modèles urbains électriques équipés d’un prolongateur d’autonomie ne seraient pas économiquement compétitifs en 2030, pénalisés par la présence d’une batterie électrique et d’un moteur thermique. Cependant, ils seraient plus bénéfiques en termes d’émissions de gaz à effet de serre grâce à leur batterie 6 kW permettant de couvrir les distances quotidiennes retenues. Au-delà, les kilomètres parcourus seraient plus fortement carbonés en raison de l’utilisation du carburant fossile, ce qui annulerait les bénéfices environnementaux considérés sur les premiers kilomètres.

Pour les modèles du segment C « cœur de gamme », la motorisation 100 % électrique offrirait en 2030 un coût total de possession plus avantageux que pour un thermique dès 12 000 kilomètres parcourus annuellement, à condition de conserver une batterie offrant une autonomie de 250 kilomètres. Du point de vue environnemental, les hybrides rechargeables offriront des gains plus conséquents que les modèles électriques à condition de n’utiliser que le moteur électrique.

Concernant le segment D « haut de gamme », les conclusions du rapport sont comparables à celles observées pour les modèles du segment C. Le kilométrage annuel de ces véhicules étant supérieur, une batterie de plus grande capacité est acceptable puisque les émissions liées à la production seront compensées.

A noter que sur ces deux catégories, l’étude ajoutent le coût financier et environnemental du remplacement de la batterie au bout de dix ans. Pourtant, selon les retours observés sur le terrain, il est admis que la batterie peut durer au moins toute la durée de vie du véhicule : il n’est donc pas nécessaire d’en changer.

Enfin, compte-tenu des politiques locales en faveur des automobiles à faibles émissions, l’étude montre donc que les modèles 100 % électrique sont l’avenir des véhicules particuliers, à condition que l’augmentation de la capacité des batteries actuellement recherchée ne vienne pas augmenter le prix de vente et le bilan environnemental global du modèle.

Les professionnels déjà incités à passer l’électrique

Alors que les coûts d’usage sont primordiaux pour les professionnels dans leur choix de véhicules, l’Ademe et l’IFPEN ont choisi de comparer le diesel, les deux motorisations hybrides (mid 48V et rechargeable) et l’électrique, en excluant la motorisation hybride rechargeable.

Aujourd’hui, pour un kilométrage annuel de 16 200 kilomètres, la motorisation mid hybrid 48 V est la technologie la moins onéreuse sur l’ensemble du cycle de vie, à peine moins coûteuse que le diesel et le 100 % électrique, tous deux quasiment à égalité. L’hybride rechargeable s’avère bien plus coûteux avec une offre actuelle quasi-inexistante.

A horizon 2030, les résultats devraient s’inverser puisque la version électrique serait la plus compétitive, bien plus que le diesel, d’autant que ce dernier devrait être interdit de circulation dans de nombreuses villes.

L’électrification bénéficiera aux bus

L’étude retient pour les bus les mêmes considérations que pour les VUL et compare les modèles diesels aux hybrides rechargeables et électriques. Rappelons que la loi de transition énergétique impose des obligations d’équipement en bus à faibles émissions dès 2020 lors du renouvellement de tout ou partie de la flotte ou d’une nouvelle acquisition, ce qui semble ne pas avoir été intégré dans les hypothèses.

L’électrification des bus est une évidence car elle apporte des gains environnementaux et économiques importants en raison du profil de sollicitation et des nombreux redémarrages. Alors que les bus électriques sont aujourd’hui plus chers que leurs équivalents diesels, la baisse des coûts de production fera là aussi réduire l’investissement initial et donc le coût total de possession. En 2030, les bus sont les véhicules qui bénéficieront le plus de leur électrification, aussi bien en termes de gains économiques qu’environnementaux. Cette conclusion est d’ailleurs observée dans de nombreuses études, comme celle publiée par Bloomberg New Energy Finance en février dernier.

En effet, du point de vue des émissions de polluants, le gain environnemental sur les gaz à effet de serre est dupliqué d’autant plus que le bus électrique circule sur de longues distances, l’étude visant un gain d’autonomie de 30 % d’ici à 2030. Alors qu’aujourd’hui, un bus diesel émet entre 60 et 100 grammes de CO2 par passager et par kilomètre, un modèle électrique n’en émet que 20.

L’électrification des poids-lourds remise en question

Pour les poids lourds urbains, les conclusions sont presque similaires à celles observées pour les bus.

L’hybride n’est aujourd’hui pas rentable financièrement face au diesel en raison de la présence de deux moteurs et d’une batterie. Ainsi, les gains de consommation de 20 à 30 % par rapport à un thermique en fonction de l’hybridation choisie ne permettent pas de compenser le surcoût à l’achat. La motorisation électrique est aujourd’hui une solution trop coûteuse sur l’ensemble de la durée de vie du véhicule. Néanmoins, elle devrait atteindre les coûts du diesel en 2030.

Du fait de la taille importante des batteries embarquées, la charge utile est réduite sur les poids-lourds électriques. Ainsi, l’Ademe et l’IFPEN considèrent que cela n’a aucun sens économique d’embarquer des packs batteries sur des camions électriques, que ce soit pour une utilisation en milieu urbain ou sur de longues distances. Dans ce dernier cas, l’étude parie sur une amélioration de la consommation des diesels. Nous pouvons nous interroger sur le bienfondé de ces conclusions, plusieurs tests d’autoroutes électriques étant en cours afin de vérifier le potentiel économique d’une électrification massive des poids-lourds.

Pour le transport de marchandises, le rapport indique que le diesel reste à moyen terme la solution la moins impactante pour l’environnement, tant que l’électrique ne sera pas rentable. Pour y arriver, il faudra veiller à accompagner les entreprises et les obliger à s’équiper une fois l’offre produits compétitives, en mettant par exemple en place des interdictions de circulation.

Des conclusions finalement globalement positives

Dans tous les segments, l’Ademe et l’iFPEN confirment que la motorisation électrique est plus favorable que le thermique, aussi bien d’un point de vue TCO qu’environnemental. En effet, même si l’étude indique que les véhicules hybrides rechargeables peuvent offrir une solution plus respectueuse de l’environnement, cela ne se confirme uniquement lorsque le véhicule est utilisé seulement en mode électrique sur de courtes distances. De plus, la baisse des coûts de production des batteries et les économies d’échelle réalisées grâce à une hausse de la demande devraient rendre le véhicule électrique encore plus compétitif, et à moyen terme sans aide à l’acquisition.

La motorisation hydrogène n’a pas été abordée par l’étude. Pourtant, elle pourrait offrir des gains non négligeables une fois démocratisée, à condition que l’électricité soit produite de manière décarbonée.

L’étude rappelle également la nécessité de mettre en adéquation les usages et le dimensionnement des batteries afin d’atteindre les gains environnementaux escomptés. Alors que la règle veut que les Français conduisent chaque jour 34 kilomètres environ, peu d’entre eux ont ainsi réellement besoin d’un véhicule pouvant parcourir plusieurs centaines de kilomètres sur une seule charge. Bien que ces modèles à grande autonomie soient nécessaires pour répondre à la demande de certains automobilistes, le rapport rappelle qu’une offre de véhicules à autonomie « raisonnable » et à un prix de vente plus accessible est indispensable pour réduire significativement et rapidement les impacts environnementaux du secteur des transports. D’autant plus que l’étude indique que le segment est « conditionné essentiellement par le prix d’achat », oubliant de prendre en compte les coûts à l’usage.

Enfin, l’électrification massive des véhicules, tous segments confondus, est dès aujourd’hui une nécessité pour atteindre les objectifs climatiques français et européens. Alors que la Commission Européenne exige de la France des mesures urgentes pour améliorer la qualité de l’air, une récente étude du WWF indique que les grandes métropoles françaises doivent doubler, voire tripler, leurs engagements afin de respecter le Plan Climat. De plus, la réglementation européenne demande aux constructeurs une réduction importante des émissions de voitures à 95g CO2/km en moyenne dès 2021 : l’électrification est ainsi la seule solution pour y parvenir, compte-tenu de la hausse des émissions de polluants provenant des SUV de plus en plus vendus.

Crédits : Renault / Ademe / IFPEN