Sortir les voitures essence de Paris dès 2030 : un objectif ambitieux mais réalisable

La ville de Paris souhaite voir disparaître les voitures à essence dans la capitale en 2030. Après l’annonce de la fin des diesels en 2024, la municipalité lance un nouveau défi à la capitale, aux Franciliens et à la filière électromobile. A l’Avere-France, on dit chiche ! Mais les douze prochaines années devront être celles des investissements et de l’accompagnement pour une électromobilité profitable à tous à l’échelle régionale.

Coup sur coup, Anne Hidalgo a frappé fort : après la fin des diesels annoncée en 2024, celle des voitures essence est « souhaitée » dans 12 ans … c’est-à-dire demain à l’échelle des investissements et des mutations à entreprendre. Il s’agit d’un objectif (et non d’une « interdiction »), d’une « trajectoire (…) à la fois crédible et soutenable », peut-on lire dans un communiqué de la mairie. Cette nouvelle mesure a été présentée aux différents groupes politiques lors du comité de pilotage du plan de climat de Paris ce 11 octobre. Elle sera étudiée, comme l’ensemble du Plan Climat, par les maires d’arrondissement les 5 et 6 novembre prochain, pour un débat en séance programmé le 20 novembre.

Pour l’édile de la capitale, ce n’est pas une promesse en l’air. En effet, seulement 40% des Parisiens ont une voiture. Elle compte aussi sur une offre de transports en commun renforcée grâce au Grand Paris Express, et sur le succès du vélo et de l’ensemble des mobilités douces. Anne Hidalgo rappelle aussi que Paris n’a pas le choix : elle doit à la fois respecter son engagement pris lors de la COP21 d’être neutre en carbone d’ici 2050, et aussi lutter contre la pollution de l’air, troisième cause de mortalité en France.

L’offre de véhicules électriques sera suffisante Les constructeurs automobiles seront prêts et proposeront dans 10 à 15 ans une gamme de véhicules électriques suffisamment étoffée. Ses dernières semaines, chacun y est allé de son plan d’électrification. Renault va sortir à terme 8 modèles 100 % électriques et l’Alliance qu’il forme avec Nissan et Mitsubishi 12 modèles électrifiés supplémentaires à l’horizon 2022 (lien). Le Groupe Volkswagen veut lui lancer 80 nouveaux véhicules électriques d’ici à 2025 (lien). De son côté, PSA s’est fixé 2023 pour électrifier 80 % de ses modèles. Pour ne citer qu’eux. En 2024 donc, chacun pourrait donc trouver le modèle qui lui convient : citadine, utilitaire, berline, électrique ou hybride rechargeable…

Le chemin devra être pavé de bonnes solutionsDescendre les Champs-Elysées uniquement à bord d’une Zoé, d’une Tesla ou encore d’une future hybride rechargeable PSA pour fêter les Jeux Olympiques en 2024 … Ce sera possible oui mais… à condition de mener de front plusieurs chantiers d’infrastructures et d’accompagnement au changement, en étroite collaboration avec l’ensemble de la Région et de l’Etat.

Des aides complémentaires à l’achat d’un véhicule… Il faudra en premier lieu aider ceux qui ne pourront pas se passer de voiture en 2030 pour passer les maréchaux. Ils seront encore nombreux les particuliers trop éloignés d’un transport en commun pour leurs trajets pendulaires, et les professionnels en utilitaire qui travaillent dans Paris. Sachant que la durée de vie d’un véhicule est de 18 ans et qu’elle ne cesse de s’allonger, il faudra que les aides à l’achat aux VE et aux hybrides rechargeables soient renforcées pour permettre à tous de changer de véhicule, notamment pour les foyers et les professionnels les plus modestes. Dans son dernier communiqué, la Ville semble s’engager pour un « renforcement des aides financières incitant les particuliers et les professionnels à acheter des véhicules propres ». Une bonne nouvelle qui nécessitera une coordination régionale et nationale.

… et à l’installation de bornesL’Etat devra également mettre les bouchées doubles pour booster l’installation de points de charge. Il faudra en effet accélérer l’équipement en copropriété -99 % des Parisiens vivent dans des ­immeubles ! – et dans les entreprises, si on ne veut pas voir apparaitre des files d’attente devant les bornes publiques comme c’est déjà le cas à Oslo. Aujourd’hui, seuls un crédit d’impôt et le programme national Advenir propose une prime qui vient couvrir les coûts de fourniture et d’installation de points de charge à hauteur de 40% pour les sociétés et les personnes publiques et 50% pour le résidentiel collectif. La reconduction de ce type de programme est plus que nécessaire.

Il faut aussi revoir sans tarder certaines procédures pour fluidifier les chantiers d’installation des bornes de recharge. L’Avere-France préconise par exemple de simplifier le droit à la prise qui est actuellement soumis à notification (mais pas au vote !) en assemblée générale de copropriété. Il faut actuellement attendre (parfois un an) cette réunion pour informer les copropriétaires de son intention d’installer sa borne dans le parking de l’immeuble. L’Avere-France propose de changer la loi pour qu’un simple recommandé soit envoyé au syndic pour informer de son installation, vu qu’aucun vote n’est nécessaire. Il serait également souhaitable de prévoir un programme d’aide à l’audit et la mise à jour des installations électriques du bâti existant, pour s’assurer que chaque parking puisse être techniquement et électriquement équipé. Un chantier colossal !

Et pour la majorité des Parisiens qui ne disposent pas d’une place de parking privée, Paris pourrait s’inspirer de la ville d’Amsterdam pour optimiser l’emplacement des bornes publiques et rendre encore plus attractive l’acquisition d’un véhicule électrique. En effet, la capitale hollandaise installe en quelques semaines une borne dans un périmètre limité autour du domicile de ses habitants équipés de véhicule électrique qui en font la demande.

Un réseau électrique de charge intelligent à construire100% de voitures électriques ou hybrides rechargeables en 2030 et 100% de bus propres de la RATP en 2025 : voilà deux objectifs qui nécessiteront tous deux et en même temps des puissances importantes. Pour faire face aux pics de consommation domestique et éviter de générer des pics de recharge des véhicules (deux-roues, voitures et bus), il faudra donc aussi investir dans la recharge intelligente ou « smart charging », en fixant par exemple des obligations techniques minimales de communication aux points de charge. Cette technologie permet de faire des économies d’énergie et de lisser les pics en pilotant la recharge. Comment ? En croisant notamment davantage d’informations en temps réel entre les véhicules et le réseau d’électricité, le smart charging permet de gérer les appels de puissance tout en répondant au besoin de mobilité des usagers.

La capitale se positionne clairement comme un précurseur en souhaitant la sortie des voitures thermiques de ses murs d’ici 2024 à 2030. Elle pourrait être le moteur d’une coordination plus large pouvant s’étendre jusqu’au niveau national. Un défi tout à fait réalisable même si de nombreux obstacles devront être franchis.

Crédit : Wikimedia