La sécurisation de la recharge des batteries pour les bus électriques

L’Avere-France a organisé le 21 septembre 2017 un petit-déjeuner sur le thème de la sécurisation de la recharge des batteries pour les bus électriques. Une trentaine d’acteurs de l’électromobilité ont pu assister à la présentation de Nicolas Cartier, Directeur de programme Bus2025 à la RATP.

Contexte réglementaire et contexte francilienLa première partie de l’exposé a permis de rappeler le cadre législatif, le contexte politico-territorial du développement de l’électromobilité « bus », et le positionnement de la RATP porté par son plan BUS2025.

Concernant la transition vers les bus électriques, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LOI n° 2015-992 du 17 août 2015) précise notamment dans l’article 37 que :

« L’Etat, ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements, le Syndicat des transports d’Ile-de-France et la métropole de Lyon, lorsqu’ils gèrent directement ou indirectement un parc de plus de vingt autobus et autocars pour assurer des services de transport public de personnes réguliers ou à la demande, acquièrent ou utilisent lors du renouvellement du parc, dans la proportion minimale de 50 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier 2020 puis en totalité à partir du 1er janvier 2025, des autobus et des autocars à faibles émissions définis en référence à des critères fixés par décret selon les usages desdits véhicules, les territoires dans lesquels ils circulent et les capacités locales d’approvisionnement en sources d’énergie. La proportion minimale de 50 % de ce renouvellement s’applique dès le 1er janvier 2018 aux services dont la Régie autonome des transports parisiens a été chargée avant le 3 décembre 2009 en application de l’article L.2142-1 du code des transports. »

De son côté, Ile-de-France Mobilités (ex-STIF) préconise de faire rouler 100% de bus électriques en 2025 dans les zones urbaines les plus polluées (délibération n°2016/510 du 6 décembre 2016). La Ville de Paris développe quant à elle des zones de circulation restreintes (accessibles uniquement avec la pastille Crit’Air) qui interdiront les véhicules diesel à l’horizon 2024, pour faire de la capitale « le leader de la mobilité électrique ».

Actuellement, la flotte de la RATP est composée de 4 600 bus répartis sur 334 lignes, dont 15% de bus articulés : 82% de bus diesel et 18% de bus à motorisations alternatives (630 bus hybrides, 140 bus bio GNV et 55 bus électriques, dont 23 bus standards de 12 mètres).

La ligne 341 (Charles-de-Gaulle Etoile – Porte de Clignancourt) est la première à être équipée 100% électrique grâce à 23 Bluebus.

Fin 2017, un premier gros appel d’offres de bus électriques sera lancé par la RATP. La régie souhaite s’équiper de 80% de bus électriques et 20% de bus bio GNV à fin 2025. C’est le défi du plan Bus2025 qui doit ainsi diminuer de 50% le bilan carbone de la RATP.

Le développement du bus électrique dans la région parisienne est donc en marche : la transformation des centres bus va suivre, en prenant en compte la sécurité de la charge.

> En savoir plus sur le plan BUS 2025 : http://services.ratp.fr/fr/ratp/v_140005/bus2025-pour-un-parc-100-ecologique-en-2025/

Des puissances nécessaires qui se comptent en mégawattsTout concourt donc aujourd’hui à se poser la question de la sécurisation de la charge des batteries de bus à grande échelle au vu du nombre de bus électriques qui seront remisés et tous rechargés simultanément la nuit, ce qui nécessite une grande puissance électrique.La RATP compte 25 sites de dépôt de bus (les centres bus) soit une moyenne de 200 bus/site.En projection, 200 bus électriques qui se chargeraient à 50 kW de puissance chacun pendant la nuit nécessiteraient une puissance cumulée de 10 mégawatts par centre bus.Actuellement, pour la ligne 341, cela représente déjà 1 Mégawatt de puissance.

Le risque « incendie » du bus électrique à l’étude depuis 2015Afin de répondre à une demande de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), la RATP a confié au Centre national de prévention et de protection (CNPP) le soin de réaliser une analyse de danger incendie fondée sur plusieurs essais d’incendies de bus électriques pour dégager des modélisations de comportement au feu.

Cette étude a également intégré dans son analyse les résultats d’expériences plus anciennes de feux de batterie.

Des réunions se sont également tenues avec la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE), les sapeurs-pompiers de Paris, la Direction des Transports et de la Protection du Public (DTPP) et le Laboratoire Central de la Préfecture de Police (LCPP) jusque début 2017.

Tout d’abord, il est à noter que les feux de batteries sont un événement rare. Les scénarios de feu les plus courants concernent des bus roulant et non remisés, notamment des étriers de frein mal débloqués qui chauffent et prennent feu. Dans ce type de départ, les études montrent qu’avec une bonne isolation, le feu ne se propage pas à la batterie.

D’autre part, Nicolas Cartier rappelle que, même s’il est pertinent et important de se poser la question de la sécurité et de la réglementation des bus électriques en charge, il rappelle que le remisage des bus diesel n’est actuellement pas spécifiquement réglementé.

Dans les centres bus, il a été démontré que la propagation d’un véhicule à l’autre prend du temps, et comme un feu de bus dure entre 30 à 45 minutes, cela limite le nombre de bus qui pourraient brûler simultanément.

Détection et protection des hommes et de l’environnement dans les centre busDans le dossier « porter à connaissance » remis à la DGPR, trois axes de travail ont été développés :

-Les mesures de détection

-Les mesures de protection vis-à-vis des personnes : renforcement des parois séparant les centres bus des riverains, protection des agents RATP et des forces d’intervention, vis-à-vis de la chaleur, (le risque lié aux fumées potentiellement toxiques ne nécessite pas de mesures particulières)

-L’élaboration d’un POI (plan d’opération interne, dont évacuation des riverains),

Le document répond aux objectifs de sécurité lors d’un incendie par ordre d’importance selon la logique ICPE :- Sécurité des tiers à l’établissement : conserver les éventuels effets létaux sur site, éviter les propagations en dehors du site- Sécurité des intervenants et des personnels- Protéger l’environnement : minimiser l’impact des eaux d’extinction, les émissions de gaz polluants…

Nicolas Cartier rappelle à cet effet que la combustion des batteries ne génère pas d’impacts majeurs, même si une batterie lithium ion qui brûle ne peut – il est vrai – être éteinte, seulement refroidie jusqu’à la fin de sa combustion pour limiter la propagation de l’incendie.C’est la combustion des plastiques équipant les bus qui a le plus d’impact en cas d’incendie, a-t-il rappelé.

Et la sécurité des chargeurs ? Concernant la sécurité des chargeurs, Nicolas Cartier rappelle qu’il existe des normes électriques pour les matériels et qu’ils sont certifiés conformes et homologués. Le risque électrique est donc géré.

Comparaison des puissances liées à l’incendie de bus de différentes technologiesLa RATP a également demandé à l’INERIS de lui faire des recommandations de maîtrise des risques à partir d’études de danger sur les différentes configurations de ses centres bus (enterrés, couverts et découverts, avec et sans riverains).

L’INERIS a comparé les puissances liées à l’incendie de bus électriques lithium-ion et lithium polymère face aux bus diesel.

De cette étude ressort que :- La puissance générale du feu produite par un bus électrique est identique à celle d’un bus diesel- Les pics de puissance (moments où le feu est le plus intense) entre les deux types de bus sont également du même ordre- La pointe thermique du bus électrique (le moment où la batterie prend feu) est décalée alors que celle du bus diesel s’établit plutôt en début d’incendie (au moment où le réservoir prend feu).

En conclusion, le feu de batterie électrique n’est pas plus puissant que le feu diesel et le décalage de la pointe thermique lors d’un incendie de bus électrique est un avantage. Il permet de laisser davantage de temps aux forces d’intervention pour agir et éviter l’effet de propagation de l’incendie et de réaction en chaîne.

Implantation et sécurité des tiers

Pour répondre aux mesures de sécurité des tiers à l’établissement, l’étude propose quatre types de solution au choix parmi les suivantes :

-L’isolement par une distance de 15 mètres des tiers,

-La mise en place d’un POI,

-L’installation d’un écran thermique type mur de protection / mur « coupe-feu 2 heures ».

-Le sprinklage de la zone de remisage (système d’extinction associé à des moyens de détection).

Concernant les dispositions de surveillance et de sécurité sur les sites, l’étude préconise la présence d’un gardien habilité SSIAP.

Il faut par ailleurs éviter la ruine en chaîne, c’est-à-dire la destruction rapide de la structure du site ou des bâtiments voisinspar des mesures adaptées à la configuration du site (toiture renforcée, désenfumage…)..

Suite à donner à ces étudesLa RATP prévoit de renforcer la sécurité incendie à l’occasion de la conversion de ses centres bus à l’électrique.

En ce qui concerne la réglementation, Nicolas Cartier estime qu’il faut en effet en rédiger une adaptée à l’électrique mais pas uniquement réservée aux bus électriques.

La Ratp souhaite une réglementation qui prenne aussi en compte les situations existantes et rappelle que si la future réglementation impose des demandes d’autorisation pour les centres bus électriques, cela signifiera études de danger et enquêtes publiques… Ce qui représente un coût important et des délais de réalisation d’au moins 1 an (impact sur le planning).

La mise en place d’un régime de déclaration ou d’enregistrement serait donc préférable.

Pour définir la réglementation, il faudra bien prendre en compte le coût des mesures préconisées afin de limiter au mieux les investissements nécessaires, qui restent un frein à cette transition technologique et écologique.

La RATP souhaite aussi que l’on tienne compte de la sécurité des véhicules encadrée déjà par le règlement ONU R100, renforcé dans sa récente version 2, dans l’analyse de risque à conduire pour la future réglementation.

La DGPR va lancer un groupe de travail destiné à fixer la réglementation. L’Avere-France sera partie prenante et s’associera à la RATP pour porter ces préoccupations et veiller à obtenir les meilleures conditions de déploiement des véhicules électriques.