Le projet de Loi d’Orientation des Mobilités présenté au Conseil des Ministres

[Adhérents] Après plus d’un an d’attente à la suite des Assises de la Mobilité, Elisabeth Borne a présenté en Conseil des Ministres le projet de Loi d’Orientation des Mobilités. Au travers de ce texte, le gouvernement indique vouloir améliorer la mobilité du quotidien en relevant de nombreux défis. Le véhicule électrique est ainsi partie intégrante du dispositif avec plusieurs mesures afin de déployer plus facilement de nouveaux points de recharge et faciliter son utilisation au quotidien.

Le projet de Loi d’Orientation des Mobilités, dit « LOM », porté par la Ministre des Transports Elisabeth Borne veut modifier notre « droit à la mobilité » grâce à une réforme en profondeur des politiques générales de mobilités. Présenté au Conseil des Ministres la semaine dernière, il devrait être débattu au Parlement en début d’année 2019 en débutant par le Sénat avant la fin de l’hiver pour être discuter ensuite à l’Assemblée Nationale.

La LOM s’intègre au cœur du cadre législatif porté et défini par différentes lois au cours des 30 dernières années, telles la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs de 1982, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain de 2000, ainsi que les lois MAPTAM (2014) et NOTRe (2015). Alors que ces textes majeurs ont structuré les déplacements en France, notamment par la création des autorités organisatrices de transports (AOT) et le développement de leurs compétences, la Loi d’Orientation des Mobilités vise aujourd’hui à offrir des outils afin que l’ensemble du territoire national soit couvert par une autorité en charge de la coordination des services de transport.

En effet, seulement 20 % du territoire est aujourd’hui couvert par une AOT : sur les 80 % restants, regroupant un tiers de la population française, il n’existe quasiment aucune alternative à la possession d’une voiture individuelle.

15 mesures pour répondre à 4 objectifs ambitieux

Transfert de compétences pour l’organisation des transports, développement du covoiturage, hausse de la pratique du vélo, accompagnement pour le passage au véhicule électrique… Au total, une quinzaine de mesures phares ont été annoncées pour engager une transformation profonde des déplacements de tous les Français, aussi bien en ville qu’en milieu rural.

Elles visent à répondre à 4 objectifs :

  • Offrir des solutions alternatives à l’utilisation d’une voiture personnelle ;
  • Faciliter l’innovation dans les transports ;
  • Rénover les infrastructures de transport du quotidien ;
  • Réduire l’impact environnemental des transports.

L’électrification des véhicules répond à plusieurs de ces objectifs grâce aux nombreuses opportunités qu’elle apporte. Plusieurs articles du projet de loi viennent ainsi répondre à des problématiques actuelles liées à la recharge des véhicules électriques et simplifier l’usage de ces derniers notamment au travers du droit à la prise.

Faciliter l’accès aux bornes de recharge pour tous

Afin de permettre l’accès à la recharge à tous, l’article 7 prévoit que les stations de recharge installées en voirie disposent d’au moins une place dimensionnée pour être accessible aux personnes à mobilité réduite, sans que celle-ci ne leur soit réservée. Rappelons que le droit français n’est pas rétroactif et que cette obligation ne concernera que les stations déployées après la publication du texte au Journal Officiel.

L’article 23 prévoit également des dispositions spécifiques dans les parcs de stationnement comportant plus de dix emplacements de stationnement où au moins un emplacement, dont le dimensionnement permet l’accès aux personnes à mobilité réduite, doit être équipé pour la recharge des véhicules électriques et hybrides rechargeables.

Réduire les coûts de raccordement

Le projet de loi veut réduire les coûts de raccordement au réseau électrique des infrastructures de recharge accessibles au public pour accélérer leur déploiement dans les territoires.

Ainsi, le plafond de prise en charge par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), actuellement fixé à 40 % des coûts de raccordement, pourrait être relevé afin d’en couvrir jusqu’à 75 %. Le texte précise que le niveau de la prise en charge sera « arrêté par l’autorité administrative après avis de la Commission de Régulation de l’Energie, en fonction des caractéristiques de l’infrastructure de recharge, notamment de son niveau de puissance ». Il est attendu de cette mesure qu’elle contribue au respect du ratio européen de 1 point de recharge public pour 10 véhicules électriques, pour lequel il est nécessaire d’atteindre un rythme d’installation d’environ 15 000 prises par an, et un nombre total de points de recharge installés compris entre 55 000 et 65 000 d’ici fin 2020. L’étude d’impact de la LOM considère que la mesure induit un impact compris entre 100 millions et 150 millions d’euros sur la période, soit moins de 1 % du montant total annuel du TURPE sur le périmètre d’ENEDIS. Dans ce cadre, l’étude d’impact souligne également que la part du TURPE dans la facture électrique des consommateurs particuliers est de l’ordre de 30 %. Ainsi, l’effet sur les consommateurs serait inférieur à 0,3 % de leur facture électrique.

Faire respecter le droit à la prise

L’application du droit à la prise pour l’installation d’un point de recharge dans un immeuble d’habitation collectif est encore aujourd’hui un réel obstacle à lever.

La LOM tente de faciliter son exercice et demande qu’une « convention conclue entre un prestataire et le propriétaire ou […] le syndicat des copropriétaires fixe les conditions d’installation, de gestion et d’entretien des équipements d’un immeuble collectif permettant la recharge des véhicules électriques ». Néanmoins, en l’état, cette rédaction très proche de l’actuel article L 111-6-5 du code de la construction, ne permet pas de résoudre les problèmes d’application du droit à la prise. Désigner un même prestataire pour l’ensemble des futurs points de recharge au sein d’un même immeuble peut être une piste intéressante afin de faciliter les démarches et de réduire le temps d’installation si elle est concrètement appliquée. L’objectif final visé doit être d’apporter une réelle fluidité dans le passage à l’électrique en permettant à l’utilisateur de disposer sous 3 mois d’un point de recharge à domicile. En ce sens, sans évolution du texte, le décret d’application sera d’une importance capitale.

Le texte propose une avancée forte soutenue de longue date par l’Avere-France : le droit à la prise serait également étendu à tous les types de bâtiments et aux occupants de bonne foi de la place de la place de stationnement . Il ne serait donc plus nécessaire de vivre dans l’immeuble où se situe le stationnement pour en bénéficier. Enfin, les places de stationnement situées en extérieur seraient également concernées.

De nouvelles obligations pour le pré-équipement

La Loi d’Orientation des Mobilités vient fixer de nouvelles obligations concernant le pré-équipement des parcs de stationnement en vue de l’installation de points de recharge. Elles viennent ainsi compléter les obligations du décret du 13 juillet 2016 et retranscrivent la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments de juin 2018.

Ainsi, pour les parkings de plus de dix places situés dans ou à proximité immédiate de bâtiments neufs non résidentiels, le promoteur devra :

  • Pré-équiper au moins 20 % des emplacements, dont 2 % (avec un minimum d’une place) sont réservés et dimensionnés pour les personnes à mobilité réduite (PMR) ;
  • Installer au moins un point de recharge sur une place accessible aux PMR.

Dans le cas d’un parc de stationnement situé à l’intérieur d’un immeuble non résidentiel existant, la même obligation s’appliquera dans le cadre d’une rénovation importante (si le montant des travaux représente un quart de la valeur de l’immeuble hors coût du terrain) du parking ou de l’installation électrique du bâtiment. Si le parc de stationnement jouxte l’immeuble, alors cela est rendu obligatoire dans le cas d’une rénovation importante du parking ou de son infrastructure électrique.

Bâtiments résidentiels

Les obligations en pré-équipement diffèrent dans le cas d’immeubles neufs d’habitation. Ainsi, dans les parcs de stationnement offrant plus de dix places, qu’ils soient situés à l’intérieur ou à proximité immédiate, la totalité des emplacements devra être pré-équipée, « y compris d’un décompte individualisé des consommations ».

Ces mêmes obligations s’appliqueront pour les bâtiments résidentiels existants :

  • Si le parking est situé à l’intérieur de l’immeuble et si une rénovation importante du parc de stationnement ou de l’installation électrique du bâtiment est engagée ;
  • Si le parking jouxte le bâtiment et que la rénovation porte sur le parc de stationnement ou sur son infrastructure électrique.

Bâtiments mixtes

Dans les parkings situés dans ou jouxtant des bâtiments neufs à usage mixte, résidentiel et non résidentiel, les obligations varient en fonction du nombre de places de stationnement.

Ainsi, les parkings comportant entre 11 et 20 places devront respecter les obligations liées à l’usage majoritaire du bâtiment (non résidentiel ou résidentiel). Au-delà de 20 places, le pré-équipement se fera au prorata du nombre de places réservées à l’usage non résidentiel ou résidentiel.

Calendrier

Le texte propose que le pré-équipement des bâtiments neufs ou rénovés de manière importante soit rendu obligatoire à partir de mars 2021. Concernant les immeubles non résidentiels ou mixtes comportant un parking de plus de 20 places, le pré-équipement et l’installation d’au moins un point de recharge seraient obligatoires à partir du 1erjanvier 2025.

Avant cela, un décret viendra fixer les caractéristiques minimales des points de recharge.

Exceptions aux règles de pré-équipement

L’article L.111-3-6 prévoit deux exceptions principales au pré-équipement.

Ainsi, lors d’une rénovation importante, le pré-équipement n’est pas obligatoire dès lors que le coûts des installations de recharge et de raccordement représente plus de 7 % du montant total des travaux. Les parcs de stationnement dépendant de bâtiments possédés et occupés par des petites et moyennes entreprises en sont également exclus.

La recharge comme service

L’article 23 vient clarifier le statut juridique des opérateurs de recharge. Ainsi, l’article L. 334-4 indique que ces derniers « n’exercent pas une activité d’achat d’électricité pour revente aux consommateurs finals […], mais une activité de prestation de service ».

Création d’un « Forfait mobilités durables »

Alors que les salariés utilisant les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail bénéficient d’une prise en charge partiel des coûts par leur employeur, la LOM prévoit la création d’un « Forfait mobilités durables » pour ceux utilisant leur vélo ou pratiquant le covoiturage.

D’un montant annuel maximum de 400 euros et exonéré de charges sociales et d’impôt sur le revenu, ce forfait permettra également de couvrir les frais liés à l’alimentation électrique de véhicules rechargeables dans la limite de 200 euros.

Contrôle automatisée des véhicules dans les zones à faibles émissions

Le projet de loi confirme la possibilité de mettre en place des zones à circulation restreinte, désormais renommées « zones à faibles émissions », au sein des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 100 000 habitants ou couverts par un plan de protection de l’atmosphère.

Afin d’améliorer le contrôle des véhicules circulant à l’intérieur de ces territoires, des dispositifs automatisés fixes ou mobiles pourront être utilisés. Leurs lieux d’implantation seront déterminés en fonction des niveaux de pollution atmosphérique observés sur les axes de circulation concernés. Cependant, le projet de loi précise que « les lieux de déploiement retenus n’ont pas pour effet de permettre un contrôle de l’ensemble des véhicules entrant dans la zone à faibles émissions ou dans un espace continu au sein de cette zone ».

Il est ainsi prévu qu’au maximum, 15 % du nombre moyen journalier de véhicules circulant dans la zone seront contrôlés et que le rapport entre le nombre de dispositifs de contrôle et la longueur totale de la voirie publique concernée n’excèdera pas 0,025.

De tels dispositifs automatisés pourront également être mis en œuvre pour le contrôle des voies de circulation réservées à certaines catégories d’usagers et de véhicules. Le texte illustre ses propos en citant des « voies réservées au covoiturage [et] aux véhicules à faible émission ».

Renforcement du contrôle des véhicules thermiques

Alors que la fin des ventes de véhicules émetteurs de gaz à effet de serre à horizon 2040 n’apparait pas dans le projet de loi, l’article 29 prévoit une meilleure surveillance des émissions de polluants des modèles thermiques afin de respecter les exigences européennes.

Le texte promet également « le contrôle de l’absence de désactivation des systèmes de dépollution lors des contrôles techniques et l’habilitation des contrôleurs de transports terrestres à sanctionner les infractions visant à supprimer ou dégrader les dispositifs anti-pollution ».