L’Usine Renault de Flins se transforme : six questions à Jean-Philippe Billai, directeur du projet RE-FACTORY

Le groupe Renault va transformer son usine de Flins en un site dédié intégralement à l’économie circulaire et à la mobilité électrique. Cette « RE-FACTORY » sera composée de quatre nouveaux pôles d’activité, dont un consacré au recyclage des batteries et un autre au rétrofit. Une évolution majeure que l’on a évoqué avec Jean-Philippe Billai, directeur du projet.

  • Vous êtes le premier groupe automobile à transformer l’une de vos usines en un site entièrement dédié à l’économie circulaire. Pourquoi avoir pris une telle décision et quels changements est-ce que cela entraînera pour les collaborateurs ?

Nous avons effectivement annoncé la création de la RE-FACTORY, un ambitieux projet de transformation du site de Flins pour en faire la première usine européenne d’économie circulaire dédiée à la mobilité. Ce projet s’inscrit dans la stratégie de transformation du Groupe qui vise à regrouper les activités autour de pôles d’excellence sur les marchés porteurs et à haute valeur ajoutée, – comme l’économie circulaire – tout en réaffirmant notre ancrage industriel en France.

Parce qu’il peut durer plus longtemps et avoir plusieurs vies, le véhicule – à la fois en tant qu’objet de mobilité, matières ou usages – concentre un fort potentiel de création de valeur issue de l’économie circulaire, que nous souhaitons industrialiser. C’est pour cette raison que nous mettons tous les moyens en œuvre pour permettre à l’usine de Flins de convertir ce gisement de valeur en levier de compétitivité.

Nous apportons ainsi, avec un temps d’avance vis-à-vis de la concurrence, une réponse concrète aux besoins des clients découlant de l’essor du marché de la seconde main, de l’électrification du parc automobile et des nouvelles mobilités, et aux enjeux de la transition écologique.

Pour accompagner les collaborateurs dans ce plan de transformation, nous prévoyons de déployer des dispositifs d’accompagnement et de formation pour développer les compétences.Notre objectif est d’employer plus de 3000 personnes sur le site d’ici à 2030.

  • Quelles seront les grandes activités de cette « RE-FACTORY » ?

Déployée à partir de 2021, la RE-FACTORY reposera sur un large écosystème ouvert aux partenaires, aussi bien des grands groupes, des start-ups, des partenaires académiques, ou des collectivités locales par exemple. Nous allons articuler cette reconversion industrielle autour de quatre pôles d’activités qui fonctionneront de manière interconnectées et complémentaires. Les expertises ainsi réunies, permettront d’accompagner toute la vie du véhicule depuis l’approvisionnement, l’écoconception, l’extension des usages, en passant par la maintenance, le réemploi, le travail sur la durabilité ou encore le recyclage…

Concrètement, le premier pôle RE-TROFIT regroupera des activités permettant d’allonger la durée de vie des véhicules et de leurs usages, grâce à l’installation d’une grande RE-FACTORY VO dédiée au reconditionnement des véhicules d’occasion, ou encore un service de « retrofit » pour la conversion de véhicules thermiques vers d’autres énergies moins carbonées. Le second pôle RE-ENERGY vise essentiellement à optimiser le cycle de la vie de la batterie, en offrant des solutions de production, stockage mais aussi de gestion des énergies vertes. La troisième entité RE-CYCLE se concentrera sur la gestion efficiente des pièces et matières et de leurs ses flux, afin de favoriser un approvisionnement en boucles courtes au sein de notre écosystème d’économie circulaire et dans le but d’intégrer une part croissante de matériaux recyclés ou réemployés. Ouvert aux partenaires extérieurs, le dernier pilier RE-START aura pour vocation de valoriser et développer les savoir-faire industriels, et d’accélérer la recherche et l’innovation en matière d’économie circulaire. Il hébergera un incubateur, ainsi qu’un centre de formation et un pôle universitaire, pour renforcer la spécialisation des équipes de la RE-FACTORY.

  • Le rétrofit de véhicules d’occasion issus de votre réseau de distribution a été annoncé pour les futures activités de l’usine de Flins. Est-ce qu’il s’agira de l’activité principale ? De manière générale, quel regard portez-vous sur le rétrofit ?

Dans un contexte de durcissement de la réglementation environnementale dans les villes, nous entendons nous appuyer sur nos process et notre connaissance des technologies électriques et gaz, pour développer une offre de conversion de véhicules thermiques vers d’autres énergies moins carbonées. A travers notre réseau commercial, nous allons donc proposer ce service à destination d’une clientèle professionnelle principalement, souvent dépendante d’un accès au centre urbain pour la continuité de ses activités.

Ce service sera complémentaire de l’activité principale de reconditionnement du pôle RE-TROFIT qui ambitionne de traiter plus de 100 000 véhicules d’occasion par an d’ici 2030.

  • Le recyclage des batteries, tel qu’annoncé, sera l’un des piliers de la reconversion de Flins. Comment se concrétisera cette activité et quels objectifs de recyclage vous fixez-vous ?

Dans un contexte de forte croissance du parc de véhicules électriques et hybrides, la gestion du cycle de vie de la batterie est un enjeu majeur pour l’industrie automobile. C’est pourquoi nous prévoyons de développer à Flins les compétences et les structures industrielles pour optimiser la durée de vie des batteries à travers la réparation en première vie, le recyclage en fin de vie, mais également le développement d’applications en seconde vie de la batterie, comme le stockage stationnaire d’électricité.

Pour cela, le pôle RE-ENERGY s’appuiera sur l’expertise technique et les process industriels déjà mis au point par Renault à Flins depuis 2011 pour la réparation des batteries électriques. L’ambition est d’atteindre une capacité de 20 000 réparations de batteries électriques à l’horizon 2030. Sur le volet de la seconde vie des batteries, nous continuerons le développement d’applications et dès 2021, le site de Flins accueillera lui-même un dispositif de stockage stationnaire d’énergie à partir de batteries de véhicules électriques d’une capacité de 15,5 MWh.

  • La Renault Zoé, le véhicule électrique le plus vendu en France et en Europe, cessera ainsi d’être fabriqué à Flins à partir de 2024. Est-ce qu’une « remplaçante » à la Zoé est envisagée et si oui, où sera-t-elle produite ?

Nous allons effectivement continuer de produire la Renault ZOE à Flins jusqu’à la fin de son cycle de vie. Pour ce qui concerne la nouvelle plateforme électrique, elle est en cours d’industrialisation à l’usine de Douai, dans le cadre du pôle d’excellence que nous sommes en train de constituer autour du véhicule électrique dans le Nord de la France.

  • Est-ce que d’autres « RE-Factories » auront vocation à voir le jour à court-terme ?

Pour l’heure, nous sommes pleinement concentrés sur la réalisation de ce projet industriel ambitieux qui vise un rayonnement français et européen ; nous entendons le conduire de façon pérenne et responsable.