Payer la recharge de son véhicule électrique : trois canaux entre atouts et limites

Une fois sa borne de recharge trouvée et son véhicule branché, le conducteur d’un véhicule électrique se pose une seule question : comment accéder à la recharge, autrement dit, comment payer ? En matière de solutions monétiques, trois technologies de paiement existent sur le marché : le badge, le smartphone et la carte bancaire. Cette apparente simplicité, qui cache une pluralité d’offres, ne doit cependant pas faire fi des attentes des usagers – habituels ou ponctuels – du réseau. Plein phare sur les atouts et les limites de ces technologies.

En matière d’offre monétique pour la recharge de véhicules électriques, les collectivités ont plusieurs choix. La facilité d’utilisation pour les usagers mais aussi le coût de la technologie en sont les principaux arbitres. Ainsi, les trois outils actuellement intégrés au marché – le badge, le téléphone et la carte bancaire – présentent chacun des arguments à défendre mais aussi des limites. Pour rendre son service accessible sans enchérir les tarifs, la collectivité doit effectuer une analyse préalable de qui est susceptible venir se recharger sur son réseau. Le service peut en effet intéresser des conducteurs occasionnels, comme les touristes, ou issus d’autres réseaux.

Ce type d’étude est d’autant plus nécessaire que les collectivités sont contraintes par la réglementation. Le décret relatif aux infrastructures de recharge publié le 12 janvier 2017 demande en effet aux opérateurs d’assurer l’itinérance : l’infrastructure doit à ce titre être accessible à un abonné tiers et prévoir la possibilité d’un paiement à l’acte.

Le badge, une offre avant tout faite pour les habitués d’un réseau

Solution la plus pratique de prime abord, le badge est le seul système à être proposé sur la quasi-intégralité des réseaux de recharge. Son fonctionnement repose sur la technologie RFID : une puce intégrée à la carte assure la communication entre celle-ci et une interface de lecture grâce à laquelle on accède au service.

Chaque réseau possède son badge édité par l’opérateur de mobilité : l’utilisateur du réseau paie pour chaque année un abonnement qui lui donne le droit d’utiliser la carte à puce lors de chaque recharge. Principal avantage : dans la plupart des cas, s’abonner à un réseau (et donc utiliser le badge) donne droit à des tarifs préférentiels.

Aussi économique cette solution soit-elle, elle n’en est pas pour autant pratique, et pour cause : le badge, encore faut-il le posséder. En France, la structuration globalement départementale des réseaux permet actuellement à de nombreux usagers de ne posséder qu’une seule carte pour l’ensemble de leurs recharges, mais avec les gains d’autonomie des véhicules qui devraient permettre à chaque conducteur de partir plus loin et plus longtemps, cette situation risque d’évoluer.

Rappelons qu’avec le décret du 12 janvier 2017, tout opérateur de recharge a l’obligation d’assurer l’interopérabilité entrante sur son réseau avec tout opérateur de mobilité qui en fait la demande. Des solutions complémentaires sont également disponibles : pour éviter aux grands voyageurs de multiplier les cartes, des entreprises comme Easytrip (KiWhi Pass) ont décidé de développer leur propre badge universel d’accès à la recharge, valable uniquement sur tous les réseaux partenaires.

Le téléphone portable, une révolution technique (trop ?) indispensable

Avoir recours à un badge pour se recharger, c’est aussi alourdir son portefeuille avec une énième carte qui ne sert que pour un seul service, et prendre le risque de devoir se passer de son véhicule en cas de perte. La majorité des collectivités ont donc décidé de mettre à disposition de leurs utilisateurs un système de paiement basé sur un objet du quotidien : le smartphone.

Devenu un outil multi-usages pour de nombreux Français, l’appareil permet de payer la recharge grâce à plusieurs technologies :

  • le QR code (chaque borne possède le sien, et l’utilisateur n’a qu’à le flasher pour pouvoir payer ; l’identification est facultative) ;
  • le NFC ou sans-contact (équipé d’une application de paiement dématérialisé de type Paybyphone préalablement créditée, le téléphone est approché de la borne, ce qui déclenche la transaction).

Quelle que soit la technique choisie, le téléphone portable offre un avantage considérable : il permet de tout faire avec un seul appareil, de la réservation à la restitution du véhicule en passant par le calcul de l’itinéraire et bien sûr la recharge. Contrairement au badge, il est à la fois utilisable par un abonné (qui peut bénéficier de tarifs préférentiels) et par un usager occasionnel (qui a donc plutôt tendance à se recharger à l’acte) via un site Internet optimisé ou une application téléchargeable en quelques minutes.

Le recours au smartphone rencontre toutefois deux limites techniques :

– le réseau cellulaire doit être puissant et rapide, ce qui n’est pas encore le cas partout tout le temps ;

– l’appareil doit avoir une autonomie suffisante pour pouvoir tenir sur l’ensemble du trajet, attention aux pannes de batteries !

Il faut enfin reconnaître que de nombreux Français n’ont pas ni l’envie ni les moyens financiers d’investir dans un smartphone capable de gérer les transactions (nettement plus onéreux qu’un modèle d’entrée de gamme). En revanche, un téléphone basique peut suffire à payer la recharge sur certaines bornes qui proposent un système de transaction par SMS : l’écran de la borne affiche un code qu’il suffit d’envoyer au numéro indiqué à côté. Bien que plus accessible et plus intuitive, cette solution ne fonctionne pas directement, puisqu’un pré-enregistrement auprès de l’opérateur est souvent nécessaire.

La carte bancaire, une option fiable mais coûteuse en terme d’équipement

Si le paiement par carte a mis du temps à s’imposer, il est aujourd’hui très courant, voire banal pour ses adeptes qui lui reconnaissent volontiers un aspect très pratique. La carte est insérée dans un lecteur spécialement conçu, et le paiement est autorisé grâce à la saisie d’un code à quatre chiffres. Pourtant, un tel système n’est pas envisageable sur une borne de recharge électrique : trop volumineux sur l’interface, il est aussi critiqué pour son manque de rapidité, critère essentiel d’une transaction de ce type.

Dans la mesure où les transactions d’un faible montant s’effectuent de plus en plus grâce à un système de paiement sans contact – qui utilise aussi la technologie NFC -, quelques opérateurs ont cependant déployé un dispositif adéquat : à la clé, un gain de temps pour l’utilisateur (qui peut régler sa recharge en quelques secondes) comme pour le gestionnaire des bornes (qui évite la maintenance inhérente à un terminal classique). C’est le choix qui a, par exemple, été fait pour l’infrastructure du réseau Eborn, qui s’étend actuellement sur plus départements du sud-est de la France.

Autre exemple : dans le Morbihan, où le déploiement des bornes se poursuit jusqu’à la fin de l’année, la fréquence attendue des usages occasionnels liés notamment au tourisme a poussé le syndicat d’énergie à mettre en place des bornes compatibles avec l’ensemble des moyens de paiement, y compris la carte bancaire sans contact. Bien que ce choix engendre des dépenses supplémentaires (500 € d’investissement additionnel par borne, hors frais annuels de maintenance estimés à 100 €), il présente l’avantage d’offrir l’accès à la recharge à tout conducteur de véhicule électrique.

Installer un terminal bancaire sur chaque borne peut cependant vite faire grimper la note auprès du fournisseur, d’autant qu’opter pour cette solution engendre des coûts supplémentaires. Pour l’opérateur de mobilité, il est donc nécessaire de penser l’usage du réseau avant de penser l’équipement monétique, et ce afin de ne pas faire supporter à la collectivité des coûts inutiles.

De fait, le succès du paiement sans contact est encore balbutiant, mais certains réseaux ont malgré tout manifesté le souhait de pouvoir faire évoluer la monétique sur leurs bornes si cela s’avérait nécessaire, et les industriels ont adapté leur offre en conséquence.

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