Programmation pluriannuelle de l’énergie : la contribution de l’Avere-France

L’Avere-France accueille favorablement les nouvelles versions de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et de son décret. Nous saluons notamment la prise en compte de certaines de nos remarques exprimées en janvier 2019 à l’occasion de la publication d’une première version de ces documents. Bien qu’enrichie, la programmation pluriannuelle de l’énergie gagnerait cependant à être plus précise sur plusieurs aspects.

Une programmation pluriannuelle de l’énergie enrichie qui gagnerait néanmoins à être précisée sur des enjeux clés

L’Avere-France salue une meilleure prise en compte des enjeux de la recharge…

La version 2020 de la programmation pluriannuelle de l’énergie est plus exhaustive sur les enjeux de la recharge, que ce soit sur le domaine privé ou public.

Le texte rappelle l’importance de « faciliter au maximum l’installation des points de recharge dans les bâtiments résidentiels », bien que l’effectivité du « droit à la prise » souffre encore de nombreux obstacles. Les enjeux d’une répartition réfléchie des points de recharge ouverts au public en fonction des besoins de chaque territoire et de l’interopérabilité, notamment pour la recharge à haute puissance, sont également bien appréhendés. Enfin, la PPE appelle un effort supplémentaire pour « garantir un niveau de service satisfaisant des bornes de recharge » que les textes d’application de la loi d’orientation des mobilités devraient accompagner.

Par ailleurs, elle confirme que le système électrique ne devrait pas être fragilisé par l’augmentation massive du nombre de véhicules électriques en circulation, ce qui a été démontré par l’étude RTE/Avere-France « Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique » de mai 2019.

L’Avere-France salue également l’intégration de l’alimentation à quai comme levier pour accélérer l’électrification du transport maritime. Absent de la première version, l’incitation au raccordement à quai permettra de décarboner les transports maritimes et réduire la pollution dans les agglomérations portuaires.

… mais alerte néanmoins sur les hypothèses retenues pour la caractérisation des besoins en infrastructure de recharge : des échanges avec l’écosystème sur la vision prospective des besoins de recharge sont nécessaires

Depuis janvier 2019, l’analyse des besoins en infrastructures de recharge pour véhicule électrique a été revue et augmentée. Elle bénéficie notamment de l’intégration d’un modèle du Forum International des Transports (ITF) de novembre 2019 contenant une projection du parc des ménages et des entreprises par année jusqu’en 2050.

Sur les hypothèses

Malgré cette adjonction, cette simulation se reporte toujours aux données de l’Enquête nationale Transports et Déplacement de 2008 pour identifier des besoins jusqu’en 2028, soit deux décennies plus tard. Les évolutions considérables de l’écosystème de la mobilité électrique, notamment les caractéristiques des véhicules légers électriques (autonomie, gamme, etc.), ne sont donc pas prises en compte. Par ailleurs, nous jugeons contestable l’hypothèse établissant que les entreprises satisferont l’ensemble des besoins de recharge de leurs flottes en mettant en place des solutions de recharge suffisantes. D’une part, certaines entreprises ne disposent pas de parking. D’autre part, les flottes de véhicules peuvent avoir des besoins spécifiques de recharge d’appoint (logistique, transport de personnes…), notamment en recharge rapide.

Sur les résultats

La nouvelle PPE préconise, d’après le scénario central de la simulation, l’installation de 300 000 bornes de recharge en 2028, ce qui est cohérent avec les perspectives du marché et le ratio de 1 pour 10 établi par la Commission européenne (directive européenne 2014/94/UE du 22 octobre 2014 sur les carburants alternatifs). Toutefois, elle considère que seules 760 000 bornes de recharge seront nécessaires en 2040, soit un point de recharge pour 18 véhicules. Ce décrochage du taux s’expliquerait par l’évolution des besoins : augmentation de l’autonomie des véhicules, diminution du nombre d’hybrides rechargeables, rotation optimisée de l’utilisation des bornes. Il nous semble pour l’heure peu envisageable de s’affranchir de ce ratio sans régler les problématiques liées au droit à la prise dans le résidentiel collectif d’une part et sans mener une réflexion au niveau européen d’autre part.

Sur la publicité de la simulation

L’Avere-France souhaiterait que l’Etat produise une analyse prospective détaillée des besoins de la France en infrastructures de recharge pour véhicules électriques, qu’elles soient ouvertes au public ou non. Cette étude pourrait établir un nouveau ratio infrastructures/véhicules, évolutif dans le temps et en fonction des territoires. Préalablement, nous préconisons de rendre publique la simulation réalisée dans le cadre de la PPE.

… et regrette que l’électricité ne soit pas mise en avant dans l’atteinte des obligations fixées par la directive européenne RED II

La Directive des Energies renouvelables, qui doit être transposée d’ici juin 2021, fixe un objectif minimal de 14 % d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports d’ici 2030. Bien que RED II présente explicitement l’électricité comme un moyen d’atteindre cet objectif, la programmation pluriannuelle de l’énergie ne met en avant que les biocarburants. L’Avere-France souhaite que l’électricité soit pleinement prise en compte comme un carburant alternatif permettant d’atteindre ces 14 % d’énergie renouvelable.

Des objectifs qui restent à préciser dans le décret PPE

Lors de la présentation d’un premier projet de décret en mars 2019, nous nous interrogions sur l’absence d’objectifs propres aux poids-lourds électriques et sur d’objectif d’installation de points de recharge en 2028 au sein de l’article 6 intitulé « Mobilité propre ». La nouvelle version du décret en consultation reste inchangée sur ces points.

L’Avere-France s’étonne de voir acter dans le décret le non-respect des objectifs du Contrat Stratégique de Filière à horizon 2022 et l’absence de l’objectif de déploiement en 2028 pourtant préconisé dans la PPE

L’article 6 du projet de décret prévoit également des objectifs de déploiement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques ne correspondant ni à la PPE, ni aux besoins.

Tout d’abord, il fixe un objectif de 100 000 points de recharge ouverts au public au 31 décembre 2023, enregistrant ainsi un retard sur le Contrat Stratégique de Filière Automobile signé par l’Etat en mai 2018. En effet, le CSF prévoit déjà cet objectif de 100 000 points de recharge pour la fin 2022. Le projet de décret semble donc sous-évaluer les besoins du parc roulant de véhicules électriques à l’horizon 2023 et acter le non-respect du Contrat stratégique de filière à l’horizon 2022.

Par ailleurs, il n’inclue pas d’objectif en 2028 pour le déploiement d’infrastructures de recharge alors même que la PPE préconise un chiffre de 300 000 points de recharge à cette échéance (voir scénario central de la simulation réalisée par l’administration, en annexe). Selon l’administration, fixer un objectif précis pour 2028 serait « prématuré » car le ratio de la Commission européenne n’est que « indicatif » et que nous n’avons pas encore « le recul nécessaire pour juger de son adéquation avec la situation et les usages français ». Cependant, tant que l’accès à la recharge à domicile ne sera pas assuré pour tous et que le droit à la prise ne sera pas respecté dans le résidentiel collectif, un haut niveau d’équipement en infrastructures de recharge ouvertes au public sera nécessaire.

L’Avere-France souligne l’importance de donner une trajectoire claire sur l’électrification des poids-lourds en ligne avec les préconisations de la PPE

Alors que les véhicules légers disposent d’objectifs spécifiques d’électrification pour 2023 et 2028, le projet de décret est moins précis concernant les poids-lourds, regroupés sous l’appellation « véhicules lourds à faibles émissions ». Ceci renvoie au décret du 11 janvier 2017 définissant les véhicules à faibles émissions dont le poids total autorisé en charge excède 3,5 tonnes en fonction du type de carburant utilisé et inclut aussi bien l’électricité que l’hydrogène et le gaz.

La PPE intègre pourtant bien des objectifs d’électrification des poids-lourds, à savoir 400 unités en 2023 à 11 000 en 2028, avec un objectif à plus long terme visant 30 % des immatriculations en 2050. La répartition entre modèles électriques et GNV n’est plus précisée dans le projet de décret. Ces éléments devraient être repris dans le décret.