Taxe anti-pollution & restriction de circulation : le plan de Londres contre la pollution automobile

Le maire de Londres, Sadiq Khan, vient de dévoiler les étapes d’un grand plan de lutte contre la pollution de l’air. À partir du 23 octobre, une taxe pour les véhicules ne respectant pas certaines normes d’émissions de polluants complètera dans le centre-ville le péage anti-congestion en vigueur depuis 2003. Soutenu par un investissement de plus d’un milliard d’euros sur cinq ans, ce dispositif laissera sa place en 2019 à une zone à ultra faibles émissions

Pour Sadiq Khan, élu à la tête de la capitale britannique il y a un an, il était urgent d’agir : « l’air de Londres est mortel, je ne peux pas rester sans rien faire ». En effet, selon les statistiques officielles, le Grand Londres fait chaque année face à 9 000 décès prématurés du fait de la pollution atmosphérique. Directement liées à 5 900 d’entre eux, ce sont surtout les émissions d’oxydes d’azote – dont le seul trafic routier de l’agglomération est à moitié responsable – qui sont problématiques. Le constat est d’autant plus préoccupant que les Londoniens n’ont même pas à se plonger dans les chiffres pour constater l’urgence de la situation : début janvier 2017, il n’a fallu que cinq jours à la ville pour dépasser les concentrations maximales de NOx autorisées pour une année entière et voir un épais brouillard jaunâtre envahir son horizon.

Ce mardi, l’édile s’est donc sérieusement saisi de la question en annonçant des mesures d’une ampleur inédite. Elles prennent appui sur un système déjà bien connu des Londoniens : le péage. En effet, depuis 2003, l’accès au centre-ville – ou Congestion Charge Zone (CCZ) – est payant pour tous (à l’exception des taxis) au nom de la lutte contre la congestion, tandis que l’année 2008 a marqué le début d’une taxation des poids-lourds polluants, mais cette fois-ci à l’entrée de l’agglomération rebaptisée pour l’occasion Low Emission Zone (LEZ).

Une toxic-charge en plus du péage existant à compter du 23 octobre prochain

Même si la capitale britannique est habituée à des pics de pollution parfois exceptionnels tels le Great Smog de décembre 1952, la régulation de l’ensemble du trafic observé au centre-ville n’était jusqu’à présent justifiée que par la lutte contre la congestion routière. Depuis 14 ans et à quelques exceptions près, tous les véhicules circulant dans cette zone doivent quotidiennement s’acquitter d’une taxe dont le montant varie aujourd’hui entre 1,05 et 11,50 £, soit entre environ 1,25 et 13,50 €.

Pour enrayer la mauvaise qualité de l’air, Londres a donc décidé de très largement s’inspirer de ce fonctionnement : la taxe anti-pollution ne concernera donc plus seulement les poids-lourds arrivant aux abords de la capitale. À partir du 23 octobre, tout conducteur dont le véhicule ne respectera pas la norme Euro 4 (Euro 3 pour les modèles sans permis) devra en fonction de sa situation débourser une toxic-charge (ou T-Charge) allant de 1 à 10 £ – de 1,20 à 11,70 € – pour rouler dans la CCZ.

Valable du lundi au vendredi de 7 heures à 18 heures, ce nouveau système tarifaire se rajoutera donc au péage anti-congestion. De fait, si un véhicule n’obéit pas à la norme européenne de sa catégorie, il représentera pour son propriétaire un coût total pouvant aller jusqu’à 21,50 £, c’est-à-plus de 25 €.

Objectif : 50% d’émissions d’oxydes d’azote en moins d’ici 2020

Parallèlement à l’annonce de la tarification additionnelle prévue pour l’automne, une consultation vient d’être lancée afin de préparer la mise en place d’une Ultra Low Emission Zone (ULEZ) pour avril 2019. Voulue par Sadiq Khan, cette « première mondiale » promet d’aller plus loin que le système précédemment évoqué. En clair, les conducteurs ne seraient plus seulement imposés du lundi au vendredi de 7 heures à 18 heures, mais tout le temps. Les montants du péage seraient quant à eux revus à la hausse afin d’encourager au renouvellement des véhicules ou à l’utilisation des transports en commun.

Cette proposition s’inscrit dans un contexte de forte implication des pouvoirs publics locaux dans la lutte contre la pollution de l’air. Au total, la municipalité prévoit d’investir plus d’un milliard d’euros pour enrayer le problème ; d’ici 2020, une diminution de 50% des émissions d’oxydes d’azote est d’ailleurs attendue sur l’ensemble du Grand Londres.

Pour obtenir un tel résultat, les grands acteurs de la mobilité londonienne vont être fortement impliqués : dès l’année prochaine, le gestionnaire du réseau public Transport for London (TfL) s’est par exemple engagé à ne plus acheter de bus diesel, tandis que toutes les commandes de nouveaux taxis devront cibler des modèles non-polluants. Dès 2020, il en sera de même pour les véhicules qui intègreront les flottes des loueurs de la capitale.

Enfin, la mairie envisage d’ores-et-déjà d’étendre la taxation à l’ensemble de l’aire urbaine, d’abord pour les véhicules diesel les plus lourds comme les bus et les poids-lourds en 2020, puis pour les engins plus légers en 2021. À terme, l’idée est de pouvoir réduire nettement la pollution de l’air grâce à dispositif opérationnel du nord au sud du contournement routier métropolitain.

Fort de cette ambitieuse feuille de route locale, Sadiq Khan a aussi demandé au gouvernement national de davantage s’impliquer dans la transition vers le transport propre, que ce soit par des aides à l’achat ou une meilleure coopération avec la région-capitale. Rappelons que le gouvernement propose déjà une prime allant de 2 500 à 4 500 £ selon le niveau d’émissions de CO2 du véhicule.

L’action à large échelle, un atout de la politique londonienne dont Paris gagnerait à s’inspirer

Pour Sadiq Khan, la lutte contre la pollution passera forcément par une généralisation de l’action municipale à l’échelle de l’aire métropolitaine. C’est donc la gouvernance élargie à l’ensemble de la région-capitale, le Great London, qui va être amenée à se prononcer sur la suite à donner aux mesures initiées dans la ville-centre. Preuve d’une quête de cohérence territoriale, cette logique est ancrée dans la mentalité britannique : la Low Emission Zone, mise en place en 2008, concernant déjà un périmètre bien plus large que la simple commune de Londres, dont les limites sont par ailleurs de plus en plus floues.

La situation parisienne est radicalement différente : malgré la création d’une entité de gouvernance métropolitaine en 2016, l’action publique en matière de lutte contre la pollution de l’air reste pour l’instant cantonnée à Paris même. Depuis janvier 2017, c’est d’ailleurs le périmètre de la commune qui sert de limite à une Zone à Circulation Restreinte dans laquelle tout véhicule immatriculé avant 1997 n’a plus le droit de circuler. Tous les autres engins motorisés y sont contraints de porter une vignette dont le numéro de 1 à 5 indique leur niveau d’émissions, jusqu’à l’interdiction totale du diesel souhaitée par Anne Hidalgo pour 2020.

Cependant, aussi bien le caractère encore très aléatoire des contrôles que l’absence de consensus politique à l’échelle de la région-capitale toute entière nuisent à la visibilité ainsi qu’à l’efficacité des mesures prises. L’exemple britannique plaide en la faveur d’une gouvernance intégrée pour lutter durablement contre la pollution de l’air.

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