Voyage d’études aux Pays-Bas : ce que Rotterdam nous apprend de la mobilité électrique

L’Avere-France a organisé pour les lauréats des Trophées des Territoires Electromobiles un voyage d’études aux Pays-Bas à Rotterdam auxquels ont participé de nombreux représentants d’autres collectivités européennes. L’occasion d’apprendre des succès d’un territoire exemplaire et de partager les bonnes pratiques.

Un cadre national incitatif et ambitieux

L’Etat s’est doté d’une stratégie ambitieuse pour sortir du thermique qui mène vers une sortie définitive de l’essence et du diesel, y compris hybride, à 2050.

Pour accompagner cette transition, le système de taxation des véhicules à l’achat est rendu très favorable aux modèles électriques puisqu’ils en sont entièrement exemptés. Le montant augmente selon le degré d’émission du véhicule, à commencer par 6 € par gramme de CO2 par km pour ceux émettant entre 1 et 79 g. De la même manière, les véhicules zéro émission échappent à la taxe sur la circulation, tandis que les hybrides rechargeables doivent déjà en payer la moitié.

Entrée en vigueur cette année, cette nouvelle grille a cassé la dynamique de progression du segment plug-in, mais a renforcé l’électrique qui pèse désormais 1,3% des ventes d’automobiles neuves dans le pays.

Si comme l’explique Lutske Lindeman, Responsable du programme d’électromobilité de la ville de Rotterdam, « les Pays-Bas se sont lancés dans l’électromobilité pour deux motifs : l’environnement et l’indépendance énergétique », les perspectives de croissance économique sont de plus en plus intégrées dans la stratégie gouvernementale. Le Ministère de l’Economie vise ainsi un total de 10 000 emplois dans le secteur à compter de 2020 sachant que le pays en comptait déjà 3 000 en 2014. Une perspective qui rappelle que les Pays-Bas partent petit à petit à la conquête d’autres marchés européens, à commencer par la France.

Du côté de l’infrastructure aussi, les Hollandais ont pris de l’avance tant du point de vue de la densité du réseau (environ 28 000 points de recharge) que des services qu’il rend. La totalité des bornes publiques sont ainsi raccordées à une plateforme d’interopérabilité et 87% d’entre elles peuvent accueillir un système de pilotage de l’énergie.

Plus de 2 000 points de recharge à Rotterdam

Dans ce contexte, la ville de Rotterdam est devenue l’une des figures de proue de l’électromobilité en Europe à plusieurs titres. Elle a d’abord investi sur l’infrastructure et totalise 2 500 points de recharge (3 – 17 kW) très majoritairement liés à du stationnement longue durée. Un investissement qui va encore se développer, puisque la ville a émis en 2016 un nouvel appel d’offres remporté par Engie, alors aux côtés d’EV-Box, pour étendre et exploiter le réseau de recharge.

Alors que ce réseau de recharge normale est en plein essor avec plus de 310 000 sessions de charge enregistrées en 2016, soit le triple des résultats 2014, la recharge rapide, elle, ne suscite pas l’adhésion. La municipalité compte deux stations de recharge rapide très peu utilisées. Pour Lutske Lindeman, « sans services associés comme un espace de travail ou des magasins, il n’y a pas de demande pour la recharge rapide en cœur de ville ». Le challenge à venir porte plutôt selon elle sur l’intégration des énergies renouvelables, notamment via des panneaux photovoltaïques installés sur les stations, ou encore sur la mise en place d’incitations à quitter les emplacements de stationnement lorsque la batterie est entièrement chargée.

Toujours concernant la recharge, la ville a mis au point un système original qui permet à tout utilisateur de véhicules électriques de faire une demande en ligne (https://laadjeauto.nl/) d’implantation de bornes à proximité de son domicile. L’intérêt est de pouvoir satisfaire directement un besoin. Quelques règles doivent être respectées, comme éviter les artères commerçantes, être à 1,5 m de la chaussée ou à une distance maximale de 25m du réseau électrique.

Un engagement sur sa propre flotte

Comme toute collectivité, la ville de Rotterdam vise aussi l’exemplarité. Elle compte quelque 400 véhicules électriques dans sa propre flotte et souhaite porter la part de l’électrique à 50% d’ici 2018. Cette tendance se retrouve aussi du côté des transports publics : les petites navettes de transport de personnes handicapées seront électriques, tandis que l’opérateur RET va prochainement passer les premiers appels d’offres sur des bus zéro émission.

L’autre pendant de ce degré d’exigence, c’est la mise en place d’une zone à faibles émissions qui s’applique aux poids lourds qui cherchent à accéder au site industriel de Maasvlakte. Une action jugée ambitieuse, puisqu’ils sont responsables de 18% des émissions de CO2 et 37% des émissions de NOx alors même qu’ils ne représentent qu’1,7% du parc roulant. Ne sont autorisés à rouler que ceux qui répondent à la norme Euro 6 ou qui ont moins de 7 ans. Dès 2020, seuls les Euro 6 pourront y accéder. A noter que le contrôle est surtout effectué a priori, puisque tous les véhicules doivent se déclarer en ligne auprès des autorités de Rotterdam. Tout l’enjeu est d’arriver à capter les véhicules étrangers dont seulement 50% sont enregistrés dans la base, ce qui n’est pas sans poser de problème pour les sanctionner.

Illustration : © Avere-France